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The Village Next To Paradise

Un certain regard
The Village Next To Paradise

Nationalité : Autriche, France, Allemagne, Somalie
Genre : Drame
Durée : 2h 12min
Date de sortie : Prochainement
Réalisateur : Mo Harawe
Acteurs principaux : Canab Axmed Ibraahin, Axmed Cali Faarax, Cigaal Maxamuud Saleebaan

Un petit village du désert somalien, torride et venteux. Mamargade, père célibataire, cumule les petits boulots pour offrir à son fils Cigaal une vie meilleure. Alors qu’elle vient de divorcer, sa sœur Araweelo revient vivre avec eux. Malgré les vents changeants d’un pays en proie à la guerre civile et aux catastrophes naturelles, l’amour, la confiance et la résilience leur permettront de prendre en main leur destinée.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Avec ce premier long métrage, Mo Harawe nous emmène dans son pays, la Somalie.
Il nous fait entrer avec discrétion et tact dans une famille recomposée d’un père qui essaie de s’occuper tant bien que mal de son jeune garçon en trouvant de droite à gauche des petits boulots dans ce pays en proie à une crise économique. La tante de ce garçon et soeur du papa vient les rejoindre après son divorce.
Par une approche lente et délicate nous découvrons chacun de ces protagonistes : la tendresse du père teintée d’autorité face à son fils pour lequel il a de l’ambition et veut le meilleur ; ce petit Cigaal lumineux qui représente l’avenir du pays et cette tante qui finit par être dévouée.
Pas de sensiblerie ni sentimentalisme dans ce superbe film mais de la résilience chez chacun qui s’imprime sur des plans séquences longs et lents dans une mise en scène réaliste et épurée.


La caméra de Mo Harawe nous offre un tableau grandiose mais âpre et sans artifice de la Somalie, sa terre natale, un des 10 pays les plus pauvres de la planète, plombé par une guerre larvée entre les forces loyalistes et Al Quaida.
Les images sont marquées par la sécheresse et le vent, des lumières trop blanches, un fond désertique sans relief. Harawe pose un regard tendre sur ses personnages, minés par la détresse économique, la crainte des drones, les logements sommaires, l’école et l’hôpital désaffectés. Les hommes chiquent du khat, drogue stimulante qui soulage fatigue et faim.
Mamargade enchaîne des petits boulots. C’est un déshérité, un homme bon qui ne parvient pas à se construire un avenir. S’il aime profondément son fils Cigaal, il est trop perdu pour assumer seul son éducation. Sa sœur Araweelo, momentanément dépitée par un divorce, ne s’en laisse pas au contraire conter et mène la barque pour construire un projet de magasin de couture. Les épreuves n’ébranleront pas la solidarité familiale et l’espérance de jours meilleurs.
On se laissera bercer par l’atmosphère de ce film délicat. Une lenteur qui est celle des gens, admirables dans leur façon de dialoguer en réfléchissant longuement avant de répondre.


Certes, le film est très lent et long : c’est le choix du réalisateur qui privilégie la beauté de la photographie. Les couleurs, les lumières, le cadrage sont autant de tableaux sur la vie quotidienne en Somalie. Ils nous permettent d’accepter le dénuement et les rêves des personnages.
Mamargade, son fils Cigaal et sa soeur Araweelo vivent sous le même toit. C’est un homme résilient, taiseux, et c’est mieux ainsi compte tenu des missions qu’il accepte. La violence n’est pas visible, sauf dans le vent incessant qui tournoie, et avec les hommes en armes et les chek-points, elle est palpable partout. Quelle ironie : tandis que le village porte le nom de Paradis, les habitants rêvent d’un avenir meilleur. A l’école, le jeune Cigaal a besoin de raconter les siens à son ami pour les interpréter.
En Somalie on est originaire, soit d’un village, soit d’un clan. Et l’on se soutient. Pourtant, sortir de sa condition semble inconcevable. "J’essaie de faire bien et je choisis toujours le pire." confie Mamargade à sa sœur. Mais jusque quel point a-t-il le choix ?
A travers ses personnages, sur fond de trafic et de guerre, le réalisateur interroge son pays sur l’avenir de ses enfants.