Nationalité : France, Tunisie, Allemagne, Arabie Saoudite
Genre : Documentaire
Durée : 1h 50min
Date de sortie : 5 juillet 2023 en salle
Réalisateur : Kaouther Ben Hania
Acteurs principaux : Hend Sabri, Olfa Hamrouni, Eya Chikahoui
La vie d’Olfa, Tunisienne et mère de 4 filles, oscille entre ombre et lumière. Un jour, ses deux filles aînées disparaissent. Pour combler leur absence, la réalisatrice Kaouther Ben Hania convoque des actrices professionnelles et met en place un dispositif de cinéma hors du commun afin de lever le voile sur l’histoire d’Olfa et ses filles. Un voyage intime fait d’espoir, de rébellion, de violence, de transmission et de sororité qui va questionner le fondement même de nos sociétés.
(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)
2 novembre 2023
Olfa a quatre filles : deux actrices incarnent les aînées – parties à seize ans rejoindre Daech – aujourd’hui emprisonnées en Libye. Les deux cadettes, restées avec leur mère, tiennent leur propre rôle ; enfin Olfa elle-même raconte son histoire tandis que l’actrice Hend Sabri la ’double’, notamment pour des scènes à forte intensité émotionnelle... Le spectateur assiste au processus de création du docu-fiction résolument hybride de Kaouther Ben Hania : les filles ’réelles’ guident le mimétisme des actrices tandis que ces dernières deviennent modèles pour les premières. Les unes pleurent soudain de voir se réincarner leurs filles et sœurs, les autres s’émeuvent en direct de l’âpreté du récit qu’elles découvrent. Fusions…
La reconstitution du passé, tableaux dans un décor minimaliste, comme au théâtre, le cède souvent aux gros plans des récits, plus aptes à questionner les racines du départ des adolescentes.
Si la situation d’Olfa n’est pas si rare en Tunisie, sa personnalité reste singulière. Prête à tout pour sauver ses filles, elle leur a aussi naguère imposé la mâle et rude intolérance qu’il lui a fallu arborer dès l’enfance, pour survivre. De la radicalisation comme monstrueuse échappatoire pour jeunes en quête de reconnaissance ?
21 mai 2023
Olfa a quatre filles dont deux ont disparu. La réalisatrice tunisienne, Kaouther Ben Hania, nous annonce dès le début qu’elles seront remplacées par des actrices. Olfa aussi a son double de cinéma et l’on peut apprécier le travail de la comédienne en charge de jouer son rôle quand elle s’approprie ses paroles. Le film est une mise en abyme qui nous montre sa propre fabrication. De fait, il constitue une sorte de docu-fiction d’un nouveau genre. Il est aussi question d’un autre abîme, immense et sans fond, celui de cette famille brisée depuis que les deux filles aînées se sont radicalisées et ont quitté le foyer pour faire le djihad. Leur abîme à elles se compte désormais en années de prison.
Le film est très féminin, de par le regard de sa réalisatrice et la présence quasi exclusive de femmes à l’écran. Il est aussi très parlant. D’ailleurs la liberté de parole d’Olfa avec ses deux plus jeunes filles est totale. La mise en scène est sobre, il y a peu de décors pour mieux se concentrer sur le récit des souvenirs exprimés ou joués, et exorciser la douleur qui les ronge. Pour Olfa et ses filles les témoignages face caméra sont une catharsis qui renforce leurs liens et cicatrise un peu les blessures.