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La Passion de Dodin Bouffant

Compétition Officielle
La passion de Dodin Bouffant

Nationalité : France
Genre : Drame, Historique, Romance
Durée : 2h14
Date de sortie : 8 novembre 2023 en salle
Réalisateur : Tran Anh Hung
Acteurs principaux : Juliette Binoche, Benoît Magimel, Pierre Gagnaire

Eugénie, cuisinière hors pair, est depuis 20 ans au service du célèbre gastronome Dodin. A force de passer du temps ensemble en cuisine, une passion amoureuse s’est construite entre eux où l’amour est étroitement lié à la pratique de la gastronomie. De cette union naissent des plats tous plus savoureux et délicats les uns que les autres qui vont jusqu’à émerveiller les plus grands de ce monde. Pourtant, Eugénie, avide de liberté, n’a jamais voulu se marier avec Dodin. Ce dernier décide alors de faire quelque chose qu’il n’a encore jamais fait : cuisiner pour elle.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Il était une fois un grand chef et sa cuisinière qui s’aimaient d’amour tendre. La Passion de Dodin Bouffant est une ode à l’amour et à l’art culinaire. Il s’agit pour les protagonistes d’élever le rapport à la matière nourriture au rang de culture et de littérature. La première scène du film est d’anthologie. Elle se passe dans la cuisine sans presque aucune parole, juste la tension de la préparation du repas. Tout au long du film les gestes se répètent, minutieux, pointilleux ou tranchants tels les coups de hachoir qui découpent les carcasses de poulets, ou sensuels comme une pêche que l’on caresse.
Il est aussi question d’amour. Juliette Binoche et Benoît Magimel dans les rôles respectifs d’Eugénie la cuisinière et Dodin le chef, forment un couple presque moderne parce qu’égalitaire. Ils restent amants et évitent ainsi l’usure du mariage. Elle finira pourtant par céder à ses demandes répétées.
On retrouve le style à la fois contemplatif et passionné de Tran Anh Hùng. Le réalisateur franco-vietnamien offre ici une œuvre originale au goût doux amer des amours perdues.


Exquis ! Quel ravissement pour les yeux et les papilles !
Le film s’ouvre sur un véritable ballet, une chorégraphie parfaite entre le fin gastronome Dodin et sa cuisinière de génie Eugénie, dans une immense cuisine à l’ancienne, la caméra à fleur de plats, au son des casseroles, des cuillères, des batteurs, du frémissement des sauces ou des bouillons. Tout est explosion de couleurs, délicatesse et volupté.
Tran Anh Hung nous avait déjà éveillé les sens avec son précédent film L’Odeur de la papaye verte. Ici, s’inspirant du roman de Marcel Rouff, il nous plonge dans la gastronomie française au XIXème siècle.
Un art de vivre à la française, lorsque Dodin reçoit son petit cercle d’amis gastronomes, aux conversations convenues et quasi précieuses.
Mais le sujet central du film est avant tout l’épanouissement des deux personnages, Dodin et Eugénie, partageant depuis vingt ans une même passion : la cuisine, chacun devenant l’essence de l’autre. La caméra capte à merveille les regards échangés, les sourires radieux, l’inquiétude de l’un pour l’autre. Finalement, qui cuisine pour qui ? Jeu de cuisine et jeu d’amour… on passe subtilement de la poire sur lit de vigne au corps alangui d’Eugénie sur son lit.
Ce jeu, merveilleusement interprété par Benoît Magimel et Juliette Binoche trouve son apogée dans la question : « Me considérez-vous comme votre cuisinière ou votre femme ? »


Après le bonheur d’écrire et de décrire d’un romancier, voilà le plaisir de montrer d’un réalisateur, qui met en scène le célèbre abbé Dodin (19ème siècle) ayant inspiré le livre de Marcel Rouff en 1924. Plaisir qu’il nous fait partager sur le plan esthétique et intellectuel puisqu’il nous manquera le plaisir gustatif et olfactif.
Autour de lui un cercle de commensaux raffinés et érudits dégustent les plats servis – en abondance à cette époque –, préparés par sa cuisinière dont il est amoureux. Alors que brillent Soubise et Brillat-Savarin, tous deux se démarquent par la recherche subtile du fumet des légumes, des sucs des viandes etc. mais aussi par la présentation des mets et la déclinaison des arts de la table (enfin des couverts mis à la française). Comprendre et réaliser la construction des menus et des plats élaborés par Dodin relève du plus pur art et Eugénie y excelle. Alors l’occasion nous est donnée d’accompagner un couple lié par toute sorte de passions, dont celle de la bonne chère. Le parti pris de l’éclairage en « clair obscur » dans des « intérieur-jour » magnifie les décors, dans une ode qui n’est pas dédiée qu’à la gastronomie.
Quant au si souvent cité et célèbre pot-au-feu il n’est d’aucun plan : nous resterons donc sur notre faim !