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Ghahreman

Un héros / A hero
Compétition Officielle
Ghahreman

Nationalité : Iran France
Genre : Thriller Drame
Durée : 2h07
Date de sortie : 22 Décembre 2021
Réalisateur : Asghar Farhadi
Acteurs principaux : Amir Jadidi, Mohsen Tanabandeh, Fereshteh Sadre Orafaee, Sarina Farhadi

Rahim est en prison à cause d’une dette qu’il n’a pas pu rembourser. Lors d’une permission de deux jours, il tente de convaincre son créancier de retirer sa plainte contre le versement d’une partie de la somme. Mais les choses ne se passent pas comme prévu…


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Asghar Farhadi nous livre un scénario remarquablement ficelé qui nous tient en haleine jusqu’au bout comme celui d’un film policier : Rahim sort de prison pour deux jours de permission et doit trouver de l’argent afin de payer son créancier.
Il devient le « héros » des médias, car il remet à sa propriétaire des pièces d’or trouvées dans un sac perdu dans la rue. Mais tout se complique et ne se passe pas comme prévu. Il invente alors un mensonge avec sa bien-aimée pour se sortir du pétrin, mais il s’y enfonce davantage. L’association qui l’avait porté aux nues pour son acte d’honnêteté et devait l’aider à payer sa rançon, décide alors d’apporter son soutien financier à autre prisonnier condamné à mort.
On propose alors à Rahim une autre solution pour collecter des fonds : mettre en scène son petit garçon bègue pour émouvoir le public, mais il refuse. C’est alors qu’il retrouve donc la prison mais son honnêteté, son sens de l’honneur et surtout son amour de père en font un « héros ».


Rahim n’est pas un héros très discret. Après un acte de probité qui l’honore – alors qu’il était en liberté provisoire –, tout le monde se l’arrache, télévisions comme organismes de charité. Même la direction de la prison où il est incarcéré pour dettes, le porte aux nues. Un héros, le dernier film du réalisateur iranien Asghar Farhadi, nous conte l’histoire d’un homme qui est à l’image de son pays, l’Iran. Il n’arrive pas à s’en sortir. Dès qu’il pense que les choses s’améliorent, en fait elles empirent et l’entraînent dans une spirale infernale. Le film est cruel comme l’est la société iranienne envers les gentils, les doux, les faibles. Notre héros est bien naïf et il se laisse avoir par tout le monde. C’est un loser sympathique qui peut compter cependant sur l’amour inconditionnel de sa nouvelle petite amie, et sur le soutien de sa famille qui fait tout pour l’aider. Ce brave gars devient violent lorsqu’il se sent dépassé par les événements, dans un pays où la violence physique n’est pas tolérée. Le point de vue du film montre une société du soupçon et du sens de l’honneur exacerbé. Il n’y aura pas de catharsis pour notre héros qui retourne à la case départ, c’est-à-dire en prison. Le dernier plan du film est magnifique avec une porte ouverte sur la lumière et la liberté, quand notre héros retrouve son lot d’obscurité et de solitude.


Dans une mise en scène élégante et fluide et une tension dramatique constante, le film interroge subtilement des notions morales fondamentales : le bien et le mal, la distance parfois infranchissable qui sépare les bonnes intentions de l’accomplissement d’une bonne action, les méandres de la mauvaise foi et les obstacles qui se dressent sur le chemin de la bonne. Le tout sur fond d’une problématique très contemporaine, celle du rôle joué par les réseaux sociaux dans la naissance et la pérennité d’une bonne réputation. Tout en abordant ces problèmes d’éthique individuelle, il dresse un réquisitoire efficace contre la société iranienne. En cela il évoque Glory (2016) des hongrois Kristina Grozeva et Petar Valchanov, ou certains films de Kieslowski. Le pitoyable héros dont on n’arrive pas à déterminer – comme dit de lui un personnage du film – s’il est complètement naïf ou cyniquement manipulateur, est magnifiquement incarné par Amir Jadidi (prix d’interprétation ?). Le scénario est si bien ficelé que le spectateur n’est pas complètement sûr d’avoir levé tous les doutes, le film lui laisse le choix, en quelque sorte. Quelque chose comme la liberté individuelle face aux choix existentiels.