Primary Menu

Ouistreham

Quinzaine des Réalisateurs
Ouistreham

Nationalité : France
Genre : Drame
Durée : 1h46
Date de sortie : 12 janvier 2022
Réalisateur : Emmanuel Carrère
Acteurs principaux : Juliette Binoche, Hélène Lambert, Léa Carne, Émily Madeleine, Patricia Prieur

Marianne Winckler, écrivaine reconnue, entreprend un livre sur le travail précaire. Elle s’installe près de Caen et, sans révéler son identité, rejoint une équipe de femmes de ménage. Confrontée à la fragilité économique et à l’invisibilité sociale, elle découvre aussi l’entraide et la solidarité qui unissent ces travailleuses de l’ombre.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Le film reprend le livre Le quai de Ouistreham (2010) de Florence Aubenas grand succès critique et de librairie (plus de 200 000 exemplaires vendus). La journaliste avait vécu plusieurs mois à Caen les galères et les humiliations des femmes les plus précaires, assumant les boulots les plus durs et les plus dévalorisés. Comme le livre, le film s’attache à donner à voir ces « invisibles » de la société, à travers les portraits touchants de femmes dont le courage, le sens de l’humour et la solidarité, restent sans faille, malgré la dureté de leur vie. Le casting ne réunit – à l’exception de Juliette Binoche – que des acteurs non professionnels dont l’authenticité et l’énergie crèvent l’écran. Dans une mise en scène fluide, Carrère, en bon scénariste, choisit de resserrer l’intrigue autour l’amitié née entre la journaliste et une de ces femmes, incarnée par la formidable Hélène Lambert, et une question : jusqu’où est-il juste, pour les besoins d’une enquête de mystifier celles et ceux qui vous font confiance ?


Avec Ouistreham, Emmanuel Carrère nous entraîne sur le quai des précaires, en décrivant le quotidien des travailleurs précaires, et plus particulièrement des femmes de ménages, des demandeurs d’emploi, et bien d’autres encore. De la dégradation des services de pôle emploi aux stages qui pourraient permettre d’obtenir un CDD, aux cadences infernales de travail (nettoyer les 240 chambres et leurs sanitaires d’un ferry en moins de quatre minutes par chambre), le réalisateur nous propose une radioscopie de la France d’en bas, sans s’étendre sur les états d’âmes de ses personnages. Les relations tendues entre employeurs et salariés précaires nous montre bien cette France à deux vitesses avec les insiders et les outsiders, cette armée de réserve, comme l’expliquait Karl Marx. Ouistreham nous démontre bien que nous ne sommes plus dans du travail parcellisé mais dans de l’emploi émietté. Si pauvreté, précarité, conditions de travail indignes, mépris de la part de patrons méprisants et insultants sont le lot quotidien de ces salariés, entraide, convivialité, chaleur humaine et petits gestes de bonheur partagé par ces « invisibles » scandent ce long-métrage.