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Julieta

Compétition Officielle
Julieta

Nationalité : Espagne
Genre : Drame
Durée : 1h39
Date de sortie : 18 mai 2016
Réalisateur : Pedro Almodóvar
Acteurs principaux : Emma Suárez, Adriana Ugarte, Daniel Grao

Julieta s’apprête à quitter Madrid définitivement lorsqu’une rencontre avec Bea, l’amie d’enfance de sa fille Antía la pousse à changer ses projets. Bea lui apprend qu’elle a croisé Antía une semaine plus tôt. Julieta se met alors à nourrir l’espoir de retrouvailles avec sa fille qu’elle n’a pas vu depuis des années. Elle décide de lui écrire tout ce qu’elle a gardé secret depuis toujours.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Plus encore que Tout sur ma mère ou Parle avec elle, encore marqués par une certaine dose de provocation, Julieta est un film de la maturité. Finies les folies Almodovar dans cette œuvre, adaptée de 3 nouvelles de la canadienne Alice Munro, que certains pourront trouver trop sage ou trop mélodramatique mais qui est profondément émouvante. Julieta a vu son compagnon périr en mer puis sa fille Antia disparaître de sa vie il y a des années. Lorsqu’elle rencontre par hasard une amie d’enfance de celle-ci la réactivation de la souffrance de la perte est telle pour Julieta qu’elle se penche sur ce passé opaque et le rappelle en voix off dans un long flash back qui est la matière d’une lettre confession à Antia. A nouveau aimanté par la relation par la relation maternelle, Almodovar analyse en profondeur les répercussions douloureuses d’un non-dit familial et d’un sentiment de culpabilité partagé. Il nous propose aussi plusieurs portraits de femmes maîtrisés et bouleversants.


Avec Julieta, Pedro Almodovar garde à la fois son sens de la photo, son esthétisme de movida et son talent pour les castings féminins, mais il quitte sa folie baroque pour un film sombre et assez nouveau.
Autour de son héroïne, il tisse une histoire familiale dans laquelle les non-dits se transmettent de mère en fille jusqu’à ce que la parole vienne libérer la vérité et délivrer de la culpabilité. Car ce n’est pas en faisant table rase du passé que ses personnages vont trouver le bonheur mais au contraire en osant l’affronter.
La construction du film est impeccable mais très formelle (flash-back, voix off épistolaire) et nous offre parfois des plans à la symbolique un peu convenue . Mais la réussite du film repose néanmoins sur les nombreux parallèles entre les époques et les personnages. Et c’est lorsque sa fille lui confie enfin ses souffrances que Julieta parvient à accepter ses propres erreurs. Le dernier plan sur un paysage ouvert de montagnes remplaçant le tissu rouge veut en effet nous laisser croire à un avenir réconcilié possible.


Portés, voire alourdis par des couleurs saturées, le rouge et le bleu juxtaposés le plus souvent, les personnages se meuvent dans un univers où le gris n’a pas sa place puisqu’il s’agit d’amour ! Rouges, les plis soyeux de la robe de l’héroïne : première image du film ; bleue, la mer ; rouge encore le tatouage en forme de cœur, etc. Puis le noir et le blanc, la vie et la mort donc, s’entrechoquent dans un va-et-vient constant.
Comme toujours le réalisateur porte une attention particulière aux petits détails, dont la logique est implacable. Le destin le sera aussi. Mais le sentiment de culpabilité, décliné sous différentes formes tout au long de la projection, se transformera malgré tout en espoir.