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Eshtebak (Clash)

Un Certain Regard
Eshtebak (Clash)

Nationalité : France Egypte
Genre : Drame
Durée : 1h37
Date de sortie : 14 septembre 2016
Réalisateur : Mohamed Diab
Acteurs principaux : Nelly Karim, Hani Adel, Tarek Abdel Aziz

Le Caire, été 2013, deux ans après la révolution égyptienne. Au lendemain de la destitution du président islamiste Morsi, un jour de violentes émeutes, des dizaines de manifestants aux convictions politiques et religieuses divergentes sont embarqués dans un fourgon de police. Sauront-ils surmonter leurs différences pour s’en sortir ?


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Du Caire, en 2013 où les manifestations tournent à l’émeute au lendemain de la destitution du président Morsi par l’armée, nous ne verrons rien : tout au long du film, caméra et spectateur restent enfermés dans un fourgon de police. Les soldats y entassent journalistes, gens du peuple redoutant le retour des Frères Musulmans, jeunes plus ou moins militants, puis, en une seconde rafle, quelques Frères Musulmans et sympathisants. Et même un jeune soldat. A l’extérieur, les militaires sont eux aussi prisonniers des ordres reçus, de la foule en colère.
Métaphore de la ville et du pays, le fourgon est au bord de l’explosion. Avec la chaleur et la soif, la tension monte inexorablement et pourtant... Pourtant, au cours de cette journée qui semble durer une éternité, quelques gestes de compréhension et d’entraide parviennent à éclore timidement. Le réalisateur ne juge aucun personnage, quelles que soient ses convictions politiques ou religieuses. Tous sont filmés de la même manière, avec humanité et parfois une pointe d’humour. Ce film est un cri d’alarme face à la violence qui conduit le pays dans une impasse. Sans naïveté, mais avec obstination, il clame l’urgence d’un dialogue encore possible, malgré les apparences.


Puissant. Une reconstitution des affrontements au Caire entre Frères musulmans, forces de l’ordre et citoyens anti-Morsi (un Président islamiste), après la destitution de celui-ci par l’armée (2013).
Le choix narratif est très efficace. Tout est vu de l’intérieur d’un fourgon de police où ont été enfermés, en plusieurs livraisons, des manifestants des deux bords. Le véhicule circule avec l’armée d’un lieu de conflit à l’autre. On se trouve sans cesse au cœur de l’action, qui se dédouble entre extérieur et intérieur : d’une part, les combats de rue observés depuis les fenêtres grillagées du fourgon ; d’autre part la promiscuité exaspérante du panier à salade, frictions entre les deux factions, voire au sein de chacune, et même parmi les soldats.
La tension permanente, rendue palpable par une caméra toujours proche de la masse confuse des personnages, est magnifiée par des éclairages dramatiques qu’apporte la tombée de la nuit, et par les rayons ou explosions qui ponctuent les combats.
Ce saisissant plongeon dans la complexité des affrontements ne peut prétendre en faire comprendre les tenants, aboutissants et perspectives, mais illustre la force de la tentation de violence et l’aveuglement devant ses impasses.