Primary Menu

Les chevaux de Dieu

Les chevaux de Dieu

Pays : Film marocain
Genre : Drame
Durée : 1h55
Date de sortie : prochainement
Avec Abdelhakim RACHID, Abdelilah RACHID, Hamza SOUIDEK, Ahmed EL IDRISSI EL AMRANI
Réalisé par Nabil Ayouch

Yassine a 10 ans lorsque le Maroc émerge à peine des années de plomb. Sa mère, Yemma, dirige comme elle peut toute la famille. Un père dépressif, un frère à l’armée, un autre presque autiste et un troisième, Hamid, petit caïd du quartier et protecteur de Yachine. Quand Hamid est emprisonné, Yachine enchaîne les petits boulots. Pour les sortir de ce marasme où règnent violence, misère et drogue, Hamid, une fois libéré et devenu islamiste radical pendant son incarcération, persuade Yachine et ses copains de rejoindre leurs "frères". L’Imam Abou Zoubeir, chef spirituel, entame alors avec eux une longue préparation physique et mentale. Un jour, il leur annonce qu’ils ont été choisis pour devenir des martyrs…


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Présenté sur la scène d’Un Certain Regard, en présence des deux acteurs principaux, le film de Nabil Ayouch (qui a déjà à son actif cinq longs-métrages) offre immédiatement un echo de la réalité d’un pays menacé par le danger de l’islamisme radical. Construit de manière rigoureuse, n’excluant pas des images d’une grande poésie, le récit se déroule entre 1994 et 2003. Deux frères Yachine et Hamid (eux mêmes issus d’une famille pauvre) vont ainsi traverser le temps, partant de l’enfance dans les bidonvilles de Casablanca jusqu’à leur engagement dans un groupuscule d’extrémistes admirateurs de Ben Laden. L’enchaînement des causes : pauvreté, faiblesse de l’encadrement des parents et de la société, chômage, drogue, prison - et des effets : recherche désespérée de raisons de vivre,sentiment de rejet, absence d’amour - est montrée avec une grande efficacité. Le cinéaste a su tirer parti de ses acteurs, frères dans la vie, dont l’itinéraire illustre leur désir d’un monde meilleur et juste, dévoyé vers le crime aveugle au nom d’Allah. La fin est magnifique, les images dégagent une émotion indicible devant l’histoire de deux vies sacrifiées sur l’autel de l’idéologie.


« Les chevaux volants de dieu » sont une vieille désignation des combattants du djihad, reprise par les islamistes actuels. Le réalisateur, interpellé au moment des attentats de Casablanca en 2003 par le fait qu’il ne s’agissait pas de soldats entraînés au Pakistan, mais de gamins de banlieue, a voulu comprendre. De façon très sensible il arrive à faire saisir le lent glissement vers l’engagement suicidaire de ces jeunes jamais sortis de leurs bidonvilles – la scène où la veille de l’attentat ils sont amenés pour faire un tour et qu’un des jeunes dit son admiration pour ce qu’il voit, en ajoutant : « c’est la première fois que je vais en ville », est absolument touchante. Leur socialisation par le foot, leur débrouillardise pour trouver des moyens de subsistance, le manque d’une figure paternelle forte, le respect pour la mère – tous ces ingrédients sont habilement exploités par les leaders qui n’ont aucun scrupule à exploiter les blessures des plus fragiles pour les envoyer à la mort. Les doutes du grand frère, le préféré de la mère, plus lucide malgré son engagement, sont balayés par le besoin du jeune frère d’affirmer son existence à ses côtés – puisque le parfum offert à sa mère n’avait pas pu lui assurer cette place convoitée. Peut-être un indice discret pour un changement possible en sensibilisant les mères ? Une allusion à des tendances homosexuelles farouchement réprimées montre toute la complexité de la situation émotionnelle dans cet univers si machiste.

Un très beau film qui ouvre des portes : plus de justice sociale, plus de solidarité entre les humains rendraient caducs les sombres machinations des marchands de la mort.