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Augustine

Semaine de la Critique
Augustine

Pays : France
Genre : Drame
Durée : 1h42
Acteurs principaux : Vincent Lindon, Soko, Chiara Mastroianni
Réalisateur : Alice Winocour

Paris, hiver 1885. A l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, le professeur Charcot étudie une maladie mystérieuse : l’hystérie. Augustine, 19 ans, devient son cobaye favori, la vedette de ses démonstrations d’hypnose. D’objet d’étude, elle deviendra peu à peu objet de désir.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Ce film en costumes d’époque sur les travaux du Docteur Charcot sur l’hystérie rappelle un peu le récent film de David Cronenberg, A Dangerous Method. Il décrit le traitement et la guérison d’Augustine, jeune fille soignée par Charcot pour des phénomènes d’hystérie qui la paralysent partiellement.
L’intérêt du film, auquel on peut reprocher sa facture peu originale et une musique trop conventionnelle, réside dans cette relation entre le médecin et la malade. Augustine est d’abord, entre les mains du célèbre professeur, un objet, un objet médical, un objet de ses leçons et de ses expériences, un objet exhibé lors de ses conférences.
Mais d’objet, elle passe peu à peu à l’état de sujet, un sujet qui peut aimer et devenir dangereusement désirable pour le docteur. Sa guérison achèvera cette métamorphose et nous donnera une scène finale fortement ironique dans laquelle le Docteur Charcot reçoit les applaudissements de l’Académie alors qu’il vient de transgresser deux règles absolues de la déontologie scientifique et médicale. Augustine, guérie, a en effet entièrement simulé sa crise d’hystérie devant l’Académie, fabriquant ainsi un « faux » expérimental, et, quelques minutes après, Charcot a fait l’amour avec elle.
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Aux sources de la neuro-psychiatrie avec Charcot, dans les murs toujours présents (beaux restes !) de l’hôpital de la Salpétrière où le maître (de Freud, entre autres) travaillait : un peu de trucage a recréé alentour les prés et légumes du bon vieux temps. Le vrai Charcot a eu une vraie Augustine comme patiente, dont l’étude lui a servi à caractériser l’hystérie : c’est ce que raconte ce film très intéressant. La façon dont la patiente est mise en scène dans l’amphithéâtre pour que l’Académie de médecine assiste au spectacle de sa crise est fascinante, et la fascination monte encore d’un cran lorsqu’elle se met à simuler pour que ces Messieurs soient contents et son cher médecin récompensé... joli travail d’actrice aujourd’hui comme alors ! Mais il faudrait en savoir plus que moi sur le sujet, et en particulier sur l’histoire de la déontologie des relations médecin-patient dans ce domaine, pour aller, comme on y est évidemment invité, au-delà du spectacle cinématographique, et choisir ce que l’on doit croire de ce que l’on voit. Je compte m’informer de retour chez moi, mais que peut faire le spectateur de passage ?


Dans les années 1880 Jean-Martin Charcot, neurologue français déjà célèbre, entreprend l’étude des désordres mentaux. Il rassemble à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière des jeunes femmes souffrant d’hystérie. Ses travaux marquent une importante avancée scientifique dans ce domaine, il sera notamment le professeur respecté d’un certain Freud. Aujourd’hui la psychiatrie et la psychanalyse font partie de notre culture. Les images d’une femme respirant enfin lorsqu’elle retire son corset, celle d’un corps où sont tracées des lignes rouges sous nos yeux, celle d’un singe dont Charcot déclare affectueusement qu’il est « notre ancêtre à tous » ... avant de le rattacher bien vite, sont parlantes en elles-mêmes. La cinéaste les emploie, parmi d’autres, pour soulever la question de l’ambiguïté des chemins que la recherche scientifique emprunte. Certes les conditions d’enfermement des malades sont celles d’une unité modèle. Mais Charcot cherche-t-il vraiment à soulager ou bien, pris par des impératifs de rentabilité et de publicité (déjà !), n’utilise-t-il pas ses malades comme des cobayes, exhibées lors des fameuses leçons publiques ? La passion de comprendre peut-elle tout justifier ? N’est-il pas effrayé de découvrir en lui-même un reflet de ce qu’il décortique chez ses pensionnaires ? Augustine, patiente idéale, apportera sa réponse personnelle à la fin du film, avant de disparaître. Son histoire ultérieure reste un mystère.