Pays : Film français
Genre : Drame
Durée : 2h02
Date de sortie : prochainement
Avec Adèle Haenel, Hafsia Herzi, Jasmine Trinca
Réalisé par Bertrand BONELLO
A l’aube du XXème siècle, dans une maison close à Paris, une prostituée a le visage marqué d’une cicatrice qui lui dessine un sourire tragique. Autour de la femme qui rit, la vie des autres filles s’organise, leurs rivalités, leurs craintes, leurs joies, leurs douleurs... Du monde extérieur, on ne sait rien car la maison est close, mais à l’intérieur de ses murs tout est possible.
(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)
16 mai 2011
"Putain de métier de merde que celui de putain" !
Ou, pour le dire autrement, est-ce une vie que d’être recluse dans l’une des maisons closes de la fin du 19ème ? Assurément non car l’on y trouve la mort, physique et/ou psychique. Cette galerie de portraits tente de faire exister des "filles", épinglées sur la soie rayée des murs à la manière des entomologistes. Robes chatoyantes, corps lascifs et lourds rideaux ne font pas oublier que les bulles de Champagne pétillent dans des coupes où le verre a remplacé le cristal : c’est la fin d’un monde.
Sans surprise, c’est un monde féroce ; et la symbolique de la panthère noire en Diane vengeresse nous rappelle que seul le réalisateur a la clé de certains plans. Nous, nous restons parfois en plan, justement, malgré les allusions à Courbet, à l’anthropométrie et au portrait saisissant d’un psychopathe. La fête ne masque pas (même lorsque l’on en porte un) les larmes, et celles-ci sont de sperme... Eh ! oui, il ne faut pas oublier que la copulation va de pair avec l’argent, le pouvoir donc l’exploitation de l’être humain par ses congénères.
La bande son parfois assez décalée (1960) nous rappelle puis nous ramène, et ce sera le dernier plan, à nos jours : rien n’a changé dans le fond sauf que les trottoirs n’ont pas le moelleux des sofas.
16 mai 2011
On sait que Lacan fut le possesseur (admiratif) du tableau de Courbet nommé L’origine du monde et représentant le sexe d’une femme. Il est clair que, en début de L’apollonide , l’apparition d’un peintre qui fait penser à ce même Courbet et que l’on trouve in situ si je puis dire en demandant à une prostituée d’écarter les cuisses pour qu’il puisse saisir les moindres détails de son sexe, n’est pas innocente. Elle montre à l’évidence que, sous la crudité des images et du propos, c’est un autre niveau que Bonello convoque : celui du fantasme. Et ce serait passer à côté du film que d’y voir une description réaliste du monde de la prostitution au temps des maisons closes.
Car ce qui est avant tout mis en scène ici, s’appuyant sans doute sur la réalité sociologique des bordels, c’est un univers en vase clos, chaleureux, accueillant, presque maternel, offrant à la réalisation des fantasmes masculins une grappe de douze filles toutes semblables et toutes différentes.
Mais, et c’est ce qui fait une part de l’originalité de ce film, si fantasmes il y a, on est bien loin des "esclaves nues tout imprégnées d’odeurs" baudelairiennes ou de la nostalgie des Fleurs de Shangaï de Hou Hsiao Hsien. Pas de sublimation ici. La caméra de Bonello est au milieu de ces femmes, partage leurs vies, leurs soucis, leurs espoirs, leurs craintes, leur enfermement, bref leur réalité. Avec le plus grand respect et sans jugement, sans cet apitoiement qui est souvenir une forme du mépris.
Jean Lods