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Kuki Ningyo (Air Doll)

Un Certain Regard
Air Doll

Film : Japonais
Genre : Fantastique
Durée : 2h05
Date de sortie : Prochainement
Avec : Du-na Bae, Arata, Joe Odagiri...
Réalisation : Hirokazu Koreeda

Une poupée gonflable prend vie et développe des sentiments humains. Elle tombe amoureuse d’un employé de vidéo-club...


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Etrange conte et fable cruelle. Cette poupée gonflable qui s’anime peu à peu nous semble d’abord bien naïve et enfantine. Mais elle va servir de révélateur au sujet de la solitude vécue dans le monde contemporain et du désir de tout être humain d’être aimé pour lui-même, d’être aimé pour quelque chose qu’il est seul à pouvoir donner. On peut comprendre aussi cette fable comme exprimant le souhait d’une femme de ne pas être réduite à un objet sexuel. Des personnages satellites plus ou moins esquissés contribuent à faire découvrir les joies et les souffrances apportées par le fait d’avoir un coeur : une petite fille dont le père souhaite l’anniversaire au restaurant, un vieil homme qui demande qu’on lui touche le front, un employé de vidéo club qui apprend à la poupée gonflable à découvrir les fleurs puis l’amour..... Mais le fin étonne : que signifie cette incapacité à comprendre qu’elle est la cause de la mort de son amant ? Son échec à devenir totalement humaine vient-il de son désir naïf d’avoir un coeur et surtout d’être reconnue comme en ayant un ? Et de son refus de la solitude, inévitable ? Ce qui nous vaut une dernière scène, pathétique, où son "corps" git abandonné sur un tas d’ordures. Une petite fille passe et dépose à côté d’elle sa poupée de laquelle sortira un "maman" mécanique et vain.
Le récent "Still walking" nous a montré l’intérêt que Hirokazu porte aux relations humaines et la subtilité dont il fait preuve pour les décrire. Il n’est pas sûr que cette poupée gonflable soit le procédé le plus efficace pour les aborder


Le cinéaste japonais Kore-Eda, déjà apprécié des cinéphiles, s’est imposé avec son film précédent,"Still walking", récemment sorti en France. Il se lance ici dans l’histoire d’une poupée gonflable qui accède à la vie consciente. On pense souvent aux "Ailes du désir" de Wim Wenders, où des anges faisaient apprentissage de la vie chez les hommes. Dans les deux cas, il s’agit au fond d’une méditaton sur la condition humaine. Ici, spécialement sur la solitude des habitants de grandes villes : un restaurateur qui souffre d’avoir perdu sa femme, un jeune vendeur de vidéo-club, un très vieux monsieur qui fut professeur adjoint. La solitude, le vide de ces vies humaines, l’expérience que d’avoir un coeur et une conscience est source de douleur, tout cela est dit avec la retenue et la beauté propres à Kore-Eda. Nos vies sont-elles aussi vides intérieurement que celle d’une poupée qu’il faut remplir d’air ? La mort, toujours omniprésente chez cet auteur, plane ici aussi bien sur les humains que sur les êtres mécaniques, tous destinés un jour à disparaître comme ’ordures destructibles" ou "indestructibles". Ce pessimisme trop systématique, et aussi la longueur du film, provoquent ici une légère déception. Les épisodes racontés ne sont pas tous convaincants, la réflexion philosophique sous-jacente en devient un peu artificielle.


Le mythe de la poupée qui prend vie a déjà une longue histoire derrière elle. Elle se décline ici au rythme, un peu longuet il est vrai, d’une réflexion sur le creux qui fonde notre vie.
La solitude de l’individu noyé dans la masse en quête éperdue de tendresse et de reconnaissance,est un thème connu auquel la métaphore de la poupée offre un traitement original et drôle, malgré la gravité du sujet.
Le passage à la vie de la poupée remplie de vide s’accompagne de la prise de conscience douloureuse de ce manque constitutif de l’être qui aspire à être comblé par l’autre.
Il est dommage que cette réflexion autour du désir humain soit noyée dans une série de clichés, drôles certes, mais trop démonstratifs. Le film abuse notamment de la juxtaposition du charme et de la niaiserie, caricature du fantasme masculin de la femme parfaite. Autre fantasme : celui d’insouffler la vie ou encore celui de l’amante castratrice.
La peur de la mort de l’humain croise le désir de vivre de la poupée qui, en prenant conscience du tragique de cette vie, l’abandonne et se range dans les ordures non-combustibles.
Elle choisit la mort pour ne pas avoir accepté sa finitude – et le refus de la finitude, n’est-ce pas la superbia justement ? « Superbe » dit encore une fois la femme vieillissante en voyant le « cadavre » de la poupée.