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Üç Maymun (Les Trois Singes)

Three Monkeys (English Corner)

Pays : Turquie, Allemagne
Genre : Drame
Durée : 1h49
Date de sortie :
Avec : Ahmet Rifat Sungar, Hatice Aslan, Yavuz Bingöl, Ercan Kesal
Réalisateur : Nuri Bilge CEYLAN

Une famille disloquée à force de petits secrets devenus de gros mensonges, tente désespérément de rester unie en refusant d’affronter la Vérité. Pour ne pas avoir à endurer des épreuves et des responsabilités trop lourdes, elle choisit de nier cette Vérité, en refusant de la voir, de l’entendre ou d’en parler, comme dans la fable des "trois singes". Mais jouer aux trois singes suffit-il à effacer toute Vérité ?


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Uzak (Distance) was a Cannes award winner and a well-made study of loneliness in the Turkish countryside and in Istanbul. Climates was also a hit on the festival circuit. Well filmed and acted, for many (including this reviewer) it was a rather slow and sometimes tedious look at a marriage and its difficulties. While The Three Monkeys is not tedious, it is melodrama material with a familiar enough plot. (If the same screenplay had been made in English, it may well have been dismissed as rather obvious.)
However, it opens well with a hit-run accident where a politician wants to avoid any publicity and pays one of his workers to go to prison for him, paying his family a salary each month and a lump sum at the end of the sentence. In the meantime, the worker’s wife is at home with her late teenage son and has a relationship with the politician which the son discovers and is angry with his mother. Things come to the anticipated head when the prisoner is released and comes home.
The politician is as loathsome as expected. The prisoner is affected by some macho brutality. The son tends to mope all the time so it is hard to be as sympathetic to him as the screenplay wants. The wife, however, is a woman of vitality and verve despite what she does. When she is on screen, the film is alive.
The Turkish locations and atmosphere are interesting but the film offers only average interest.


Si « Les climats » pouvait évoquer les personnages nombriliques d’Antonioni, c’est aux travailleurs exploités de Zola que pourrait renvoyer ce film, mais le commun dénominateur de ce groupe social comme du précédent est la difficulté à communiquer : l’accumulation des non dits, omissions, et mensonges feront éclater ici une famille cellulaire et l’engloutiront dans le mystère des comportements. L’histoire est sordide et l’oppression sociale s’exerce à la fois sur le mari et sur la femme au sein d’une société machiste. Peut-être peut-on considérer que les caractères sont un peu trop typés (mari renfermé brutal ; femme sentimentale attirée par l’argent facile ; fils veule et gardien aveugle de l’honneur familial.) Qu’importe, car les moyens du cinéma sont somptueusement déployés dans ce film : esthétique des images au service du sens, qualité des couleurs et de la lumière aux reflets plombés ; présentation rare mais forte, et significative par contraste, de scènes en profondeur de champ ; contribution du lieu prédominant de tournage -intérieur du logement du protagoniste- et de cadrages au contenu parfois géométrique ou abstrait au caractère énigmatique, fermé et étouffant des rapports humains au sein de la famille ; bande son presque uniquement faite de sons naturels - la mer, le grondement très proche et assourdissant du train. Enfin l’attention portée à l’expression des visages et des regards, qui supplée dans la tradition du cinéma muet à la parcimonie des dialogues entre ces personnages frustes, leur restitue toute leur dignité et leur noblesse et confère tout leur sens et leur tension émotive aux images .


Le cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan revient à Cannes avec toujours ses deux grandes qualités : en premier, une attention aigüe à ses personnages, observés longuement. Ceylan est particulièrement sensible au non-dit qui se joue entre les personnages, qui en exprime souvent plus que de longs discours : aussi attentif qu’un Dostoïevski à la complexité de la psychologie, il l’exprime moins par les paroles que par les images et les gestes. Ici en particulier le fils du chauffeur, un post adolescent en pleine incertitude, que ni son père ni sa mère ne comprennent.
Et l’on retrouve ensuite le talent du cinéaste pour les cadrages, aussi bien dans les intérieurs de cette famille modeste que dans les extérieurs ouvrant sur la mer. Il sait nous faire suivre cette histoire où le mensonge, d’abord comme un léger choc à peine perçu, envahit peu à peu toutes les relations.
Comme toujours chez Ceylan, on reste donc dans l’intime, même si quelques allusions sont faites au contexte politique. C’est un cinéaste dont il faut aimer la petite musique.