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Je Veux Voir

Je veux voir

Pays : France
Genre : Drame
Durée : 1h15
Date de sortie :
Avec : Rabih Mroueh, Catherine Deneuve(...)
Réalisateur : Joana HADJITHOMAS, Khalil JOREIGE

Catherine Deneuve est en séjour à Beyrouth, pour le tournage d’un film et un gala de bienfaisance. Derrière les vitres d’un immeuble de la capitale, elle répète aux réalisateurs qu’elle veut voir. Elle veut voir le pays, miné par les guerres, dont la toute dernière, « encore fraîche », celle de 2006. Ils ont la journée, quelques heures avant le gala du soir, pour montrer à la star, à l’icône, à la femme, un peu de leur terre. Celle-ci monte en voiture avec l’acteur Rabih Mroué, qui profite du voyage pour aller voir au sud son village d’origine, que sa grand-mère a quitté avec les bombardements. Tous deux font connaissance dans le véhicule, au fil des kilomètres, et il lui donne à voir une part de son pays, de son histoire et de lui-même.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Catherine Deneuve, habituée à se montrer, à être vue, icône de la représentation telle qu’elle apparaît à la fin du film, lors d’un gala de bienfaisance pour lequel elle est venue à Beyrouth, Catherine Deneuve veut voir. C’est le sud du Liban qu’elle veut voir, celui qu’on connaît des images télévisées.

On lui adjoint un guide, originaire du Sud précisément, mais qui n’y est jamais retourné par peur de ce qu’il allait y découvrir. Un garde du corps et une équipe de tournage suivent dans une autre voiture.

Le film suit cette expédition en plans longs, balayant le paysage, tantôt paysage magnifique, tantôt ruines et dévastation. Pourtant on ne s’ennuie pas, on découvre avec les protagonistes.

L’icône se fait œil. Nous voyons le guide regarder Catherine Deneuve qui regarde - mise en abîme du regard, road movie en quête d’un repère du passé qui permettrait de se situer dans le présent, catalyseur de la transformation du regard en mémoire, à moins que ce ne soit l’inverse.


L’affirmation de Catherine Deveuve, "je veux voir", nous laisse espérer que ce périple qu’elle entreprend vers le sud du Liban nous permettra "de voir". Mais le peu que les images du film nous montreront (un village en ruine, des bulldozers repoussant à la mer les débris d’immeubles détruits) est submergé par le futile d’une vedette fumant cigarette sur cigarette, s’inquiétant de manière obsessionnelle du port de la ceinture de sécurité par son chauffeur, paradant dans une réception officlelle à Beyrouth. Son visage omni présent, filmé directement ou à travers le pare-brise de la voiture, occulte le propos annoncé. Hélas ! le Liban ravagé par la guerre méritait un traitement moins mondain.


Avant sa vision, j’avais des réticences à l’égard de ce genre de film. Je n’aime pas les auteurs qui, en panne d’inspiration, se retournent complaisamment sur eux-mêmes, le narcissisme comme ultime refuge. Mais ici, nous sommes au Liban. Et l’actualité la plus récente au Liban, à nouveau bouleversante, les germes d’une nouvelle guerre civile, donne raison aux auteurs de ce film : on ne peut en ce moment recourir à la fiction, la réalité elle-même est trop poignante Et la présence de Catherine Deneuve, son aura, son courage, sa volonté de voir, donnent un fil directeur. Au long du voyage, le drame actuel (les photos des martyrs du Hezbollah) se mêle aux séquelles du passé. On a déjà vu à la télé beaucoup d’images du Liban. Mais le parcourir à nouveau avec un acteur libanais qui revient au village de ses origines, qui ne peut reconnaître la maison de sa grand’mère où il a passé toutes ses vacances de jeunesse, avec à ses côtés Catherine Deneuve qui est comme notre propre regard, rend le film très émouvant. A Beyrouth, à l’ambassade, pendant ce temps, les réceptions continuent. Mais ce petit film fait ressentir de façon aigüe, de l’intérieur, que la fin du drame au Liban n’est pas pour demain