Primary Menu

Kandahar

2001


Safar e Gandehar

Kandahar

Film français, iranien (2001).
Drame.
Durée : 1h 25mn.
Date de sortie : 24 Octobre 2001
Avec Niloufar Pazira, Hassan Tantai, Sadou Teymouri...
Réalisé par Mohsen Makhmalbaf

Nafas est une jeune journaliste afghane qui s’est réfugiée au Canada durant la guerre civile des talibans. Elle reçoit une lettre désespérée de sa petite soeur, restée là-bas, et qui a décidé de mettre fin à ses jours avant la prochaine eclipse de soleil.
Nafas part donc secourir sa soeur à Kandahar et tente, pour ce faire, de franchir la frontière irano-afghane.

Le commentaire du jury

- en français

Réclusion à perpétuité sous une housse de tissu appelé burka, pauvreté, famine, handicap, et mines anti-personnel, elles ont aussi perdu le droit à l’éducation et au travail.
Ce film a été tourné dans des conditions assez périlleuses mais ce n’est pas un documentaire.
Œuvre de fiction d’un grand cinéaste contemporain, Kandahar nous fait pénétrer au cœur même des incohérences du système de répression mise en place par les Talibans, sous couvert de religion.
Nous sommes en 1999. L’héroïne, Nafaz est une jeune femme afghane qui étudie au Canada. Elle a reçu une lettre de sa sœur, restée à Kandahar. Elle est amputée de deux jambes et menace de se suicider le jour de l’éclipse du soleil. Nafaz décide alors d’aller la rejoindre. Elle doit entrer illégalement en Afghanistan par la frontière iranienne.
Commence alors une course poursuite contre le soleil et l’absurdité de la vie quotidienne au pays des Talibans. Les rencontres sont furtives : on n’a jamais droit à plus tellement la peur est omniprésente.
Parce que pour Moshen Makhmalbaf, l’esthétisme souligne la violence de l’interdit ou de la contrainte, il nous montre les pires horreurs avec des images d’une beauté époustouflante. Il sait que dans nos vies, même aux pires moments, la beauté est toujours présente. L’intensité émotionnelle est alors encore plus forte dans cette opposition.
En Afghanistan, il y a la beauté somptueuse des paysages, l’insolence des coloris du tissu porté par les femmes, les silhouettes happées à la tombée de la nuit. Dans ce film, il y a les yeux lumineux et le regard intense de Nafaz, quelques scènes très fortes où les conséquences de la barbarie humaine sont orchestrées comme une chorégraphie.
Le burlesque et l’humour traversent aussi les images de Kandahar. La vie reste plus forte que la folie cruelle des hommes en quête de pouvoir et c’est bien là le signe premier de l’espérance. Certains ont reproché à Moshen Makhmalbaf de filmer l’Afghanistan au lieu de dénoncer ce qui ce passe dans son propre pays.
Il faut rappeler que malgré les problèmes de censure et d’oppression dont il est toujours victime, il a fait le choix politique de rester dans son pays et qu’à ce jour, il est le seul artiste de renommée internationale à avoir dénoncé, dans une œuvre, la situation politique et humaine de l’Afghanistan. (Magali Van Reeth)

En compétition à Cannes ce printemps, ce film a laissé indifférent, à l’exception du Jury œcuménique qui lui a accordé son Prix. Les critiques - même dans Ciné-Feuilles n. 416 - ont été sévères. On l’a jugé opportuniste, ambigu, répétitif, traînant en longueur. On lui reproche aussi ses trop belles images.
Sur ce point on pourrait discuter longtemps, car les "belles images" ne sont-elles pas nécessaires pour toucher le spectateur ? Et c’est le cas ici. Elles permettent la réflexion au travers du contraste entre l’apparence et la réalité profonde.
On n’oubliera pas le survol des montagnes nues de l’Afghanistan, là où la beauté rejoint l’effroi. On n’oubliera pas de sitôt la description de la condition féminine. Ces femmes enfermées derrière leurs burkas qui font d’elles des sortes de fantômes dépersonnalisés. On n’oubliera pas cette consultation médicale dans une tente où le médecin ne peut ni toucher ni même voir sa patiente si ce n’est au travers d’un trou dans la paroi de la taille d’une mandarine. On n’oubliera pas ces gros plans sur des visages de fillettes renvoyées chez elles après la fermeture définitive de leur école. On leur apprend à éviter les mines dont les routes sont truffées. Même si cela paraît un peu surréaliste, on n’oubliera pas ce parachutage de prothèses dans le désert et le cortège des unijambistes.
Belles images ? Je dirais plutôt images fortes. Car si ce film est une fiction qui décrit une sorte de voyage initiatique, il est aussi un documentaire. L’histoire de cette femme qui part à la recherche de sa sœur est authentique dans ses grandes lignes. Les personnages rencontrés sont vrais.
Mais ce qui est vrai surtout, c’est la descente vertigineuse d’un peuple vers l’enfer de l’obscurantisme. Contrairement à ce que relevait le Jury œcuménique, ce film est désespérant. L’héroïne sort de prison, elle va y retourner pour avoir tenté de délivrer sa sœur. Les barreaux sont omniprésents, qu’ils soient en fer, en tissu, qu’ils soient physiques ou psychologiques.
Mais c’est aussi vrai qu’il s’agit par l’absurde d’un appel à la tolérance et à la liberté. Un film à voir absolument. (Maurice Terrail)