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Interview croisé des deux coordinateurs du Jury œcuménique

Interview croisé des deux coordinateurs du Jury œcuménique

Un homme et une femme

Valérie de MARNHAC et Serge MOLLA sont les deux coordinateurs du Jury œcuménique pour le Festival de Cannes. Ils représentent respectivement SIGNIS et INTERFILM. À l’occasion de ce 75ème Festival de Cannes, nous les avons soumis à un interview croisé.

Valérie de MARNHAC est diplômée de l’ESSEC . Elle obtient un Master en Management des organisations culturelles à l’Université Paris Dauphine. Après avoir travaillé 20 ans dans la presse, elle fait aujourd’hui partie de SIGNIS Paris, pour qui elle anime des ciné-débats.

Serge MOLLA est pasteur et docteur en théologie. Passionné d’art et du Sacré, il est l’un des spécialistes francophones de la pensée de Martin Luther King et de la théologie noire américaine et auteur de nombreux essais.

Quel est votre rôle au sein de l’organisation de ce jury ?
Valérie de MARNHAC :
Je viens d’être nommée coordinatrice du Jury œcuménique du Festival de Cannes pour le compte de SIGNIS, association catholique internationale pour la communication. Avec mon homologue d’INTERFILM, nous avons la mission d’accueillir au mieux les 6 membres du Jury. L’arrivée, souvent pour la 1ère fois, au cœur d’un Festival comme celui de Cannes est un choc. Le nombre de films proposés, de salles de projections, le rythme de la programmation et les différents temps forts, nécessitent un accompagnement quotidien. Nous visionnons, tout comme les jurés, l’ensemble des films de la Compétition officielle et essayons d’en voir un maximum dans les autres sélections.
Serge MOLLA :
Le Festival de Cannes est une fabuleuse ruche, aussi est-il bon d’assister un Jury qui y débarque pour qu’il puisse y faire son miel le mieux possible. Il ne s’agit en aucun cas d’influencer le travail des juré.e.s, mais de leur permettre de le faire dans les meilleures conditions.

Quelle est la pertinence d’un Jury œcuménique dans un festival de cinéma ?
Valérie de MARNHAC :
On a traditionnellement l’habitude de dire que le cinéma en général, et le Festival de Cannes en particulier, est un bon reflet de l’état de notre monde. En prise avec l’actualité, le Jury œcuménique recherche aussi des films qui rejoignent la dimension spirituelle de l’homme. Présente dans toutes les cultures, elle est pour chacun la somme de nos inspirations et de nos aspirations et s’incarne de bien des façons dans les films.
Serge MOLLA :
Ce type de Jury offre un regard différent des autres jurys, permettant de souligner non seulement les qualités artistiques d’une œuvre, mais également les questions fortes qu’elle porte, les enjeux qu’elle discerne dans un monde en pleine mutation.

En quoi être chrétien permet-il de porter un regard différent sur un film ?
Valérie de MARNHAC :
Être chrétien, c’est suivre les pas du Christ et ses commandements. C’est donc être sensible à la défense des plus fragiles, au respect de la dignité humaine et aux processus de Paix, de Justice ou de Pardon. Autant de thèmes que l’on retrouve dans de nombreux films. C’est aussi être sensible à la Beauté de la Création. La dimension esthétique et artistique est donc centrale dans nos critères.
Serge MOLLA :
C’est avec ma culture chrétienne que je déploie mon regard. Or, bon nombre de films sont peu ou prou riches de cette culture, explicitement ou non. Par ailleurs, je suis attentif à ce que traduit un film du rapport au religieux.

Selon vous, le cinéma religieux est-il un genre cinématographique ?
Valérie de MARNHAC :
On pourrait attribuer au genre "religieux" tous les films dans lesquels la religion joue un rôle central dans le récit, ou dont un des personnages principaux est lui-même un ou une religieuse. Ce qui serait déjà assez large. Si on s’intéresse à l’étymologie du mot ’religion’, il vient entre autres du verbe latin ’religare’ qui signifie ’relier’. Tout film projeté en public n’est-il pas par essence religieux dans ce cas ? en nous reliant les uns aux autres comme spectateurs d’une même œuvre !
Serge MOLLA :
Non, l’important est le métier du réalisateur ou de la réalisatrice, ce ne sont pas ses convictions personnelles qui font du film proposé un film religieux, mais sa capacité à traiter telle ou telle thématique, le regard qu’il porte sur les êtres. Et la suggestion revêt parfois tout autant de force que l’explicitation.

Quel rapport personnel entretenez-vous avec le cinéma ?
Valérie de MARNHAC :
Dès mon adolescence, le cinéma a fait partie de ma vie. J’habitais en centre-ville, à Grenoble , une des villes de France avec le plus grand nombre de salles par habitant et y allais seule très régulièrement. Je n’ai jamais eu de comportement cinéphage ni encyclopédique mais le 7ème art m’a aidée à grandir et continue à me nourrir aujourd’hui.
Il est devenu mon activité principale depuis que j’ai rejoint SIGNIS et que je suis devenue chroniqueuse cinéma pour le réseau de radio RCF. J’aime l’idée de transmettre ce que j’aime par la voix et par les ondes.
Serge MOLLA :
Je collabore depuis des années en Suisse romande à la revue Ciné-Feuilles et préside le Cercle d’Études cinématographiques à Lausanne et Vevey qui propose chaque hiver un cycle de douze films sur un thème choisi.


A man and a woman

Valérie de MARNHAC and Serge MOLLA are the two coordinators of the Ecumenical Jury for the Cannes Festival. They respectively represent SIGNIS and INTERFILM. On the occasion of the 72nd Cannes Film Festival, we interviewed them.

Valérie de MARNHAC graduated from ESSEC and then from Paris Dauphine University with a Master’s degree in Management of Cultural Organizations. After 20 years of working in the press, she is now part of SIGNIS Paris, for which she leads film debates.

Serge MOLLA is a pastor and doctor of theology. Passionate about art and the Sacred, he is one of the French-speaking specialists in the thought of Martin Luther King and black American theology and author of numerous essays.

What is your role in the organisation of this jury ?
Valérie de MARNHAC :
I have just been appointed coordinator of the Ecumenical Jury of the Cannes Film Festival on behalf of SIGNIS, the international Catholic association for communication. With my counterpart from INTERFILM, we have the mission of welcoming the 6 members of the Jury as well as possible. The arrival, often for the first time, at the heart of a Festival such as Cannes is a shock : the number of films on offer, the number of screening rooms, the rhythm of the programme and the various highlights require daily support. Like the jurors, we watch all the films in the Official Competition and try to see as many as possible alongside them.
Serge MOLLA :
The Cannes Festival is a fabulous beehive, so it is good to assist a jury that arrives there so that it can make its honey as well as possible. It is not a question of influencing the work of the jurors, but of enabling them to do so in the best possible conditions.

What is the relevance of an ecumenical Jury in a film festival ?
Valérie de MARNHAC :
It is traditionally said that cinema in general, and the Cannes Festival in particular, is a good reflection of the state of our world. The Ecumenical Jury is also looking for films that are in touch with the spiritual dimension of man. Present in all cultures, it is for each of us the sum of our inspirations and aspirations and is embodied in many ways in films.
Serge MOLLA :
This type of jury offers a different perspective from other juries, allowing us to highlight not only the artistic qualities of a work, but also the strong questions it raises, the issues it discerns in a changing world.

How does being a Christian allow you to look at a film differently ?
Valérie de MARNHAC :
To be a Christian is to follow the steps of Christ and his commandments. It means being sensitive to the defence of the most fragile, to respect for human dignity and to the processes of peace, justice and forgiveness. These are all themes that can be found in many films. It also means being sensitive to the Beauty of Creation. The aesthetic and artistic dimension is therefore central to our criteria.
Serge MOLLA :
I use my Christian culture to look at films. A good number of films are more or less rich in this culture, explicitly or not. Furthermore, I am attentive to what a film says about the relationship with religion.

In your opinion, is religious cinema a film genre ?
Valérie de MARNHAC :
We could attribute to the "religious" genre all the films in which religion plays a central role in the story, or in which one of the main characters is a nun. That would already be quite broad. If we look at the etymology of the word ’religion’, it comes from the Latin verb ’religare’ which means ’to connect’. Isn’t every film that is shown in public essentially religious in this case ? by connecting us to each other as spectators of the same work !
Serge MOLLA :
No, the important thing is the director’s profession, it is not his or her personal convictions that make the film proposed a religious film, but his or her ability to deal with such and such a theme, the way he or she looks at people. And suggestion is sometimes just as powerful as explicitness.

What is your personal relationship with cinema ?
Valérie de MARNHAC :
Cinema has been part of my life since my adolescence. I lived in the city centre, in Grenoble, one of the cities in France with the highest number of cinemas per inhabitant, and I went alone very regularly. I never had a cinephile or encyclopaedic behaviour but the 7th art helped me to grow up and continues to nourish me today.
It has become my main activity since I joined SIGNIS and became a film columnist for the RCF radio network. I love the idea of transmitting what I love through the voice and the airwaves.
Serge MOLLA :
I have been collaborating for years in French-speaking Switzerland with the magazine Ciné-Feuilles and I preside over the Cercle d’Etudes cinématographiques in Lausanne and Vevey, which proposes a cycle of twelve films on a chosen theme every winter.