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Prédication par le pasteur Christian Bouzy, Président de région de l’Eglise Réformée de France

Prédication par le pasteur Christian Bouzy, Président de région de (...)

Culte du 21 mai 2006 au temple de Cannes
2 Corinthiens 3 v. 1 à 18

Puisque nous sommes en plein festival, j’ai envie de vous proposer ce défi ; Et si on faisait un film qui parle d’Evangile !.... Je me souviens avoir lancé ce défi un jour à un groupe de catéchumènes. Hélas, à la fin du camp, le résultat n’était pas très encourageant, même si l’échange était intéressant. Mais, si aujourd’hui, nous avions avec nous les moyens techniques et surtout les personnes compétentes, un scénariste, un réalisateur, des acteurs etc...
Oui, si nous faisions un film qui parle d’Evangile ! Au préalable, j’imagine un débat s’ouvrir entre nous sur la question de l’opportunité de faire un tel film avec plusieurs réactions possibles :

La première réaction serait de dire que la foi ne s’exprime pas en images. La foi, c’est quelque chose qui s’entend, plutôt que quelque chose qui se voit ...Réflexe bien protestant qui consiste à se méfier de tout ce qui pourrait s’apparenter à une représentation de Dieu.
Le risque en effet est d’enfermer Dieu dans une image. Mais pour autant, faut-il écarter toute image de notre foi ? Ici, l’apôtre suggère que nous donnions à voir quelque chose de Dieu, jusque sur notre visage ! rendez-vous compte ! Ainsi, la foi ne se limite pas à l’écoute d’une parole. La foi, ça se voit aussi ! Et nous pourrions relever tous les textes bibliques où la foi sollicite le regard...et ce soir, nous y serions encore.

Seconde réaction possible : Faire un film qui parle d’Evangile, c’est une entreprise hasardeuse ! c’est prendre le risque de trahir le texte biblique.... Mais alors, de peur d’être infidèle, faut-il se refuser à toute interprètation du texte biblique ? Et d’abord est-ce possible ? Même dans une lecture littérale de la bible, il y a de l’interprètation. Pour ne pas interprèter la bible, il faudrait la garder fermée. Mais reconnaissez ; il serait totalement absurde de transmettre la bible à nos enfants comme on transmet certains bijoux de famille sans les retirer de leur écrin pour mieux les conserver. A moins de considérer que la foi se limite à la conservation d’un héritage qu’il s’agit de protéger... Ainsi, vous voyez c’est notre rapport à la bible qui est interrogé ; Comment considérons-nous la bible ? comment la lisons-nous ? Est-ce-un livre reçu de nos ancètres, que nous n’ouvrons pas de peur de l’abîmer ? Ou bien est-ce un livre que nous lisons seulement dans certaines circonstances, au culte, ou lors d’un office religieux, en prenant la précaution de ne pas mélanger le spirituel avec la vie quotidienne ? Mais si la bible n’est qu’un livre historique, ou bien si elle n’est qu’un livre religieux, à quoi bon ? Si ces textes ne présentent aucun intérêt pour ma vie de tous les jours, s’ils ne nourrissent pas mes engagements, si je n’y trouve pas un nouvel élan, si je n’y puise pas la sève de ma vie, alors mieux vaut ne pas lire la bible.

Et si nous faisions un film qui parle d’Evangile ... Nous pourrions réaliser un film de propagande pour convaincre nos contemporains du bien fondé de nos croyances... Mais attention ! La bible est-elle un drapeau pour défendre nos couleurs ou revendiquer notre identité ? La bible est-elle un pied destal pour se placer au dessus des autres ? Est-elle un tribunal pour juger ou condamner ? Est-elle une barrière ou une carapace pour se protéger d’autrui ? Hélas, notre histoire est riche d’exemples où la bible a été utilisée comme une arme pour se défendre ou attaquer, au lieu d’être parole de vie. Conscient de cela, l’apôtre Paul établit une opposition entre la lettre qui tue et l’esprit qui fait vivre. Il y a donc plusieurs lectures de la bible ; certaines sont mortifères, d’autres sont vivifiantes.

La lecture que je vous propose, c’est d’accueillir la parole biblique comme la terre accueille la semence. L’image n’est pas de moi ; elle vient des évangiles. Je vous propose de retenir cette image et aussi le mot accueillir qui vient supplanter les autres verbes évoqués. Il ne s’agit en effet ni de conserver la bible, ni de la sacraliser, ni de l’utiliser comme on utilise une arme, mais il s’agit de l’accueillir. La semence, si elle est conservée dans un sachet, si elle n’est pas jetée en terre, elle ne sert à rien. Elle n’a aucune utilité par elle-même. En revanche, en se mêlant à la terre de notre humanité, en se laissant transformée, elle germe et produit des plantes et des fruits. De graine qu’elle était, elle devient plante et fruit. Son aspect change de jour en jour. Il en va de même avec la Parole qui est un processus vivant fait de transformations successives qui génèrent du sens et de la vie. C’est, je crois, ce que dit l’apôtre lorsqu’il oppose ce qui est écrit sur des tables de pierre à ce qui est écrit sur des tables de chair, dans les cœurs. La parole n’a de sens que si je l’accueille dans l’intimité de ma vie et dans mon histoire tout entière ; alors elle peut être comme la semence qui féconde le quodidien, le levain qui soulève la pâte humaine, la sève qui irrigue et fait croître.
Et cela se voit ! Cela transforme les cœurs mais aussi les visages !
Alors si nous faisions un film qui parle d’Evangile...
Nous pourrions essayer une reconstitution historique de la vie de Jésus ? Mais pour ma part, je ne trouve pas cela d’un grand intérêt !...Et puis les Evangiles n’ont pas été écrits pour cela.
Je me méfie de tous ces films réalisés sur la vie de Jésus...ou plus précisément de ces films qui donnent l’illusion de restituer le récit des Evangiles, tel quel, sans interprètation théologique. Comme le souligne Pierre PRIGENT, tout film sur Jésus fait de la théologie et, l’expérience montre qu’on fait de la meilleure théologie lorsqu’on est conscient d’en faire.
Et, quel Jésus choisir ? Le Jésus de Zéfirelli , avec son regard bleu azur, son air détaché, qui semble venir d’une autre planète ...Ou bien, le Jésus de Pazolini bouillant de révoltes, qui apparaît comme une révolutionnaire.

Si nous faisions un film qui parle d’Evangile, je vous proposerais d’abord un partage autour d’un texte biblique. Je suis toujours subjugué par la richesse d’un tel partage, lorsque chacun ouvre ses oreilles et son cœur pour accueillir la Parole, lorsque chacun se laisse féconder par la parole de l’autre, alors..., ce sont des éclats de lumière qui jaillissent, des perles d’eau vive... Ensuite, nous pourrions envisager de traduire en images ce qui nous a touché. Pour ma part, j’imagine un scénario avec des visages d’aujourd’hui, des visages d’hommes, de femmes et d’enfants qui assument pleinement leur humanité . Pourquoi affirmer cela ? Parce que selon l’apôtre Paul, c’est Jésus-Christ qui est par excellence image de Dieu (2 Corinthiens 4v4). Or Jésus-Christ a cherché non pas à fuir la condition humaine mais à l’assumer jusqu’au bout. Jésus-Christ est celui par qui nous retrouvons notre pleine humanité. Il est celui qui nous révèle à nous même. Il nous révèle la vérité de notre existence, avec ses limites et ses résurrections possibles. Par lui, nous apprenons à assumer nos limites. Par lui, nous apprenons à accueillir la vie comme un cadeau, ...avec émerveillement. La vie ne se résume pas à nos labeurs. Elle nous est donnée par Celui qui nous précède et nous ouvre des horizons nouveaux. Oui, Jésus-Christ nous donne d’accueillir la vie comme une semence qui germe et qui grandit sans que l’on sache comment.

Dans notre texte, l’apôtre Paul oppose ceux qui ont le visage voilé à ceux qui ont le visage dévoilé. Aucun rapport avec nos débat contemporains sur le port du voile. Le voile est ici une métaphore pour désigner ce qui est camouflé ou caché. Or l’évangile est présenté comme un dévoilement. Nous pouvons vivre dans la vérité et la simplicité de notre humanité ; nous ne sommes pas contraints de jouer un rôle. Nous n’avons pas besoin de nous cacher à nous même ou aux autres ce que nous sommes ? Comme si à l’origine de notre naissance, il y avait un secret honteux qu’il fallait camoufler. Ainsi, être reflet de la gloire de Dieu- je reprends là l’expression de Paul- ce n’est pas essayer de démontrer aux autres que nous sommes meilleurs qu’ils ne pensent ou que nous sommes sans failles. C’est au contraire recevoir la force d’assumer ce que nous sommes avec nos atouts mais aussi nos faiblesses, nos manques, nos insuffisances nos peurs. Ainsi, pour ma part, j’aime ces films qui me parlent de la vérité de notre humanité, sans fards, ni artifices.

Nicole Garcia qui était à l’honneur hier, avec son dernier film « Selon Charlie », a le mérite de mettre en scène cette fragilité constitutive de notre condition humaine. J’ai revu il y a quelques jours, un de ses films,« l’adversaire » ; souvenez-vous c’est l’histoire de cet homme joué par Daniel AUTEUIL qui s’invente une histoire et qui pendant 15 années, fait croire à ses proches qu’il est un réputé professeur de médecine alors qu’il est en réalité sans diplôme et sans emploi. Mais cette double vie devient insupportable ; il ne sait pas comment en sortir ; il ne parvient pas à confesser son mensonge et c’est la descente aux enfers ; qui se termine par le meurtre de sa femme et de ses enfants. Et au fond, il’est intéressant de s’interroger sur les mobiles profonds qui ont motivé son attitude. Pourquoi ce besoin impérieux de se construire un personnage ? Très certainement parcequ’il était animé d’un idéal de vie où la réussite était obligatoire et l’échec une honte.
Et la bible peut hélas être utiliseé pour construire un idéal de ce genre. La bible ou les évangiles peuvent être lus comme un modèle de perfection qu’il faudrait chercher à atteindre ; le récit de vies exemplaires qu’il faudrait imiter. Mais au fait qu’est-ce-que c’est la bible ? un livre qui me donne un idéal à suivre ? Ou bien un récit qui annonce un Dieu de grâce qui descend jusqu’à moi et m’accueille tel que je suis, avec mes faiblesses et mes forces ?
Certes, il y a une multitude de lectures de la bible, et je ne voudrais pas réduire toutes ces possibilités à une seule. Car, ce qui fait la richesse de la bible c’est aussi la diversité de ses interprètations . et en même temps, tout n’est pas bon à prendre : vous l’avez remarqué, Paul ets quelque peu polémique dans ce texte ; il n’ y va pas par quatre chemins ; il oppose deux lectures des écritures : celle qui donnent la mort, parcequ’elle est comme une loi qui accuse et condamne et celle qui donne la vie parcequ’elle est un souffle qui vivifie et rend libre ?

Et si nous faisions un film... en commençant par un partage autour de la bible, pour accueillir une parole vivifiante, stimulante et la traduire en images et en musique...Mais nous pourrions aussi aller fouiller dans nos vidéothèques ! Et chacun de nous pourrait relater une scène de film, qui selon lui, a un goût d’Evangile,...quitte à ce que le film final soit un patchwork de petits films mis bout à bout...Pour ma part, je sais quelles scènes je retiendrai : par exemple dans « Effroyables jardins », la scène de ce caporal allemand qui essaie de distraire 4 prisonniers français placés sous sa surveillance et qui ont été jetés dans un grand trou...Il leur joue alors un numéro de clown tout en leur jetant des vivres...Ou encore dans « Joyeux Noël » de Christian CARION, le récit de ces soldats allemands et français qui sortent de leur tranchées pour fraterniser un soir de Noël 1914, en impovisant une petite fête avec des chants...Mais j’aurais aussi envie de piocher dans « L’équipier » ou « Parle avec elle ! » des images qui mettent en scène notre humanité avec ses fragilités, ses souffrances, mais aussi ses résurrections possibles, ses bonheurs partagés ? ses solidarités et ses amitiés...Le jury œcuménique, l’an dernier, avait retenu le film de Haneke « Caché », et chacun de vous pourrait partager sur un film qui lui a parlé et qui a fait écho avec sa foi...tant il est vrai que l’Evangile ne se réduit pas à des mots ou un discours prononcé dans un temple...L’Evangile nous est donné aussi au travers des images et des scènes qui parlent de notre vie, de notre histoire, de notre quotidien, des questions qui nous habitent, de nos espoirs, de nos confiances ou de nos peurs...

Souvenez-vous de cette scène d’Evangile ; Jésus se trouve dans une maison ; il donne un enseignement à une assemblée qui se trouve là et qui bloque la porte, empêchant ainsi quiconque d’entrer...Et Jésus lève les yeux, il regarde le toit qui s’ouvre et un homme alité sur un brancard descendu par quatre hommes. Le texte précise que Jésus VOIT LEUR FOI.

Qu’il ouvre aussi aujourd’hui notre regard à la foi.
Amen.