
Nationalité : France, Allemagne, Israël, Chypre
Genre : Drame
Durée : 2h 30min
Date de sortie : 17 septembre 2025
Réalisateur : Nadav Lapid
Acteurs principaux : Ariel Bronz, Efrat Dor, Naama Preis
Israël au lendemain du 7 octobre. Y., musicien de jazz précaire, et sa femme Jasmine, danseuse, donnent leur art, leur âme et leur corps aux plus offrants, apportent plaisir et consolation à leur pays qui saigne. Bientôt, Y. se voit confier une mission de la plus haute importance : mettre en musique un nouvel hymne national.
(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)
24 mai 2025
Yes a été précédé d’une réputation sulfureuse selon laquelle sa virulence contre le gouvernement Netanyahou aurait amené ce film à ne pas être en compétition.
Considéré comme la révélation du cinéma d’auteur israélien, Nadav Lapid critique férocement dans ses films la société israélienne. Son film Le Genou d’Ahed était inspiré de l’histoire de la militante palestinienne Ahed Tamimi, Yes est une œuvre très cérébrale, plus pessimiste et plus amère sur l’Israël contemporain.
Nadav Lapid avait depuis longtemps ce projet de faire un film sur un artiste soumis à la propagande du pouvoir, le contexte post-7 octobre en Israël lui a donné une dimension plus importante. Il dépeint, ici une société ensevelie par sa « part d’ombre » depuis l’attaque du Hamas, et qui choisit de « fermer les yeux » sur la guerre à Gaza et ses plus de 53 000 morts.
Le film est le portrait d’un pays qui n’est que le contre-champ d’une situation politique et humanitaire intenable pour le cinéaste. Lapid filme donc l’obscénité d’un aveuglement. « L’aveuglement en Israël est malheureusement une maladie assez collective », affirme le réalisateur.
Mais c’est aussi un film sur ce que signifie être un artiste, un artiste israélien, un artiste pendant la guerre.
Fresque radicale, film électro-choc, long-métrage de bruit et de fureur, Nadav Lapid y développe une satire féroce d’un pays, ivre de vengeance.
24 mai 2025
Traiter de la guerre à Gaza selon le point de vue israélien était une bonne idée. Le film commence par le sous-titre “La belle vie”, c’est-à-dire celle avant les attentats du 7 octobre 2023. Or la belle vie décrite ici n’est que luxe et luxure, débauche et superficialité. Un couple de saltimbanques gogo dancers fait son show lors de ces soirées mondaines bien arrosées. Un couple qui se veut hors système mais qui pourtant croit en ce que dit le gouvernement et son désir de vengeance. Plus le temps passe, plus ils sont affectés par ce qui se déroule derrière les murs séparant les deux pays. Ils hésitent entre “se résigner, c’est le bonheur” et leur conscience, entre l’insoutenable légèreté de l’être et la compassion. En pleine crise artistique et morale, le chef des armées, dépravé lui aussi, leur commande un hymne national dans lequel il est dit qu’il faut détruire les Gazaouis. Vont-ils accepter ? La lâcheté est-elle de la complicité ? La soumission est-elle de la collaboration ?
De bonnes trouvailles stylistiques et tragi-comiques égayent le scénario, même si elles ne sont pas toujours de très bon goût. Le problème avec ce thème délicat est qu’il est difficile d’avoir du discernement. D’un côté, la propagande israélienne est explicite et de l’autre, les politiciens sont ridiculisés, d’où cette ambiguïté désagréable du premier ou deuxième degré. Comme nous savons que Nadav Lapid, le réalisateur, est un opposant farouche au premier ministre actuel, on comprend bien le message qu’il a voulu faire passer dans cette satire féroce d’une société traumatisée par cette attaque du Hamas.