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Two Prosecutors

Deux Procureurs / Zwei Staatsanwälte
Compétition
Two Prosecutors

Nationalité : Ukraine, France, Allemagne, Pays-Bas, Roumanie, Lettonie, Lituanie
Genre : Drame, Historique
Durée : 1h 57min
Date de sortie : Prochainement
Réalisateur : Sergei Loznitsa
Acteurs principaux : Aleksandr Kuznetsov, Aleksandr Filippenko, Anatoliy Belyy

Union Soviétique, 1937. Des milliers de lettres de détenus accusés à tort par le régime sont brûlées dans une cellule de prison. Contre toute attente, l’une d’entre elles arrive à destination, sur le bureau du procureur local fraîchement nommé, Alexander Kornev. Kornev se démène pour rencontrer le prisonnier, victime d’agents corrompus de la police secrète, la NKVD. Bolchévique chevronné et intègre, le jeune procureur croit à un dysfonctionnement. Sa quête de justice le conduira jusqu’au bureau du procureur-général à Moscou. A l’heure des grandes purges staliniennes, c’est la plongée d’un homme dans un régime totalitaire qui ne dit pas son nom.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Ce voyage dans une époque lointaine, mais de notre temps, nous invite à nous poser une question : la justice, existe-elle encore aujourd’hui ? et si oui, qu’est-ce que l’on appelle justice ? Two prosecutors est un film qui nous permet de réfléchir sur l’envie de chercher et de connaître la vérité, ainsi que de pouvoir la partager pour créer comme cela un monde plus juste pour tous, même pour nos adversaires. Tous, nous avons le droit d’avoir un point de vue et ainsi de diverger sur la manière dont on perçoit le monde. Ce n’est pas au milieu de la violence qu’on va faire changer tout le monde d’avis… Ou peut-être, si ?
Ce film, par le scénario, l’étalonnage, les cadrages et la mise en situation, nous permet de nous aventurer dans un monde kafkaïen, où les héros deviennent les méchants. L’arme utilisée contre eux, est la même par laquelle ils avaient promis d’aider à créer un monde meilleur.
D’une certaine façon, ce film nous permet d’entrer dans un monde, en même temps imaginaire, actuel et réel.


Ce long-métrage de Sergei Loznitsa, réalisateur du film Dans la brume (Prix Fipresci en 2012), s’inspire du roman de Gueorgui Deminov. Ce drame historique s’ouvre sur une prison du KGB en 1937. Une certaine lettre parvient entre les mains d’un jeune procureur, Alexandre Kornev, qui se fait un devoir de rétablir la justice pour l’un des détenus, accusé à tort lors des grandes purges staliniennes.
Exclusivement masculin, le film est rude, poignant ; le regard bleu et intègre du jeune procureur Kornev au ton ferme et déterminé contraste avec les gardiens raides et mutiques de la prison où des ordres stricts sont donnés par des fonctionnaires inactifs et désabusés.
Pour toute musique et son, le seul fracas de clefs énormes qui ouvrent des portes blindées, lourdes et brutales -conduisant à des couloirs interminables vers la peur et la mort d’hommes torturés, affamés et exsangues- rappelle le sort de prisonniers russes de temps plus récents.


Il détonne d’emblée, le jeune nouveau procureur Alexander Kornev, avec son complet cravate et son intégrité. Son arrivée à la prison politique de Briansk, glauque et vétuste, où résonnent le bruit des pas, des grilles qu’on claque, des trousseaux de clés des matons patibulaires et inquiétants, surprend. Déterminé à faire la lumière sur le cas qui l’appelle, puis à faire connaître la vérité sur les agissements de la police secrète du régime, il brave les obstacles avec constance et témérité. Néanmoins, même pour un membre du parti, il ne fait pas bon critiquer le NKVD stalinien, et Kornev fera les frais de sa naïveté, face à une hiérarchie elle-même complice.
Avec un scénario inspiré d’un roman du même nom de l’écrivain russe Gueorgui Demidov (ex-prisonnier des goulags), le film, au rythme lent – écho des attentes interminables qu’on fait subir au héros -, fait mémoire des purges historiques staliniennes. L’austérité des lieux et des décors, la pauvreté des couleurs, l’absence de musique, le format ¾ du film, concourent à restituer l’ambiance de l’époque. Un casting sans faute, en particulier Aleksandr Kuznetsov, convaincant dans le rôle principal.
Un film intéressant, à la fois comme devoir de mémoire, qui peut sonner aujourd’hui comme un avertissement face aux extrêmismes de tous bord.


Première et dernière image : la prison ; portes ouvertes et portes fermées. Entre le bruitage et la lumière du film, blafarde, déclinant moult nuances de gris, le réalisateur nous offre un remake à l’image des anciens films russes. D’ailleurs, nous sommes emportés dans le pays de Staline, à l’apogée de la terreur. A cette époque où l’acronyme ESN désignait un "élément socialement nuisible" : délicate manière d’englober une partie de la population, considérée comme indésirable en fonction de son positionnement politique.
Reste que sur fond de corruption, le héros ne se départira pas de ses convictions et poursuivra sa quête de la justice. Inlassablement, ne se décourageant jamais, il franchira les étapes de cette hiérarchie si lourde, si froide, magnifiquement campée par des protagonistes aussi aimables que les portes de la prison ...
Et si nous, nous connaissons la suite de l’histoire (avec un grand H), l’un des procureurs l’illustrera à ses dépens.
Faut-il encore, de nos jours, transposer l’analyse de ces différentes étapes dans nos pays dont on dit qu’ils sont des démocraties ?