
Nationalité : Belgique, France
Genre : Drame
Durée : 1h 45min
Date de sortie : 23 mai 2025
Réalisateur : Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne
Acteurs principaux : Babette Verbeek, Elsa Houben, Janaïna Halloy Fokan
Jessica, Perla, Julie, Ariane et Naïma sont hébergées dans une maison maternelle qui les aide dans leur vie de jeune mère. Cinq adolescentes qui ont l’espoir de parvenir à une vie meilleure pour elles-mêmes et pour leur enfant.
(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)
25 mai 2025
Après deux Palmes d’Or, les frères Jean-Pierre et Luc Dardenne reviennent à Cannes. Toujours à l’écoute des problèmes sociaux, ils signent là un long métrage bouleversant. Sans jamais tomber dans la sensiblerie, ils filment la rage, le désespoir et la quête de quatre adolescentes, mères ou futures mères. Jessica est à la recherche de sa mère qui l’a abandonnée enfant ; Julie est en manque de cocaïne ; Ariane est harcelée par une mère possessive fragilisée par son addiction à l’alcool ; Perla, très amoureuse de son petit-ami est abandonnée sans préavis par celui-ci.
Toutes ont été accueillies dans une "maison maternelle" et sont accompagnées par des éducatrices, des psychologues, des femmes aidantes et aimantes qui installent un climat de confiance avec chacune d’elle.
Ce scénario réaliste et sans fioriture arrache les larmes et tient en haleine le spectateur désireux de savoir ce que vont devenir ces jeunes mères.
Le film se termine sur une superbe touche positive tandis que Julie, délivrée du démon de la drogue, rend visite à son ancienne professeure, accompagnée de son futur jeune mari et de leur enfant.
7 juin 2025
Les frères Dardenne continuent à explorer la misère de notre société : marque déposée de ces deux cinéastes. Après les dettes, le chômage, les sans-papiers, les trafiquants... ils s’intéressent, avec ce nouveau film, à de jeunes femmes encore adolescentes mais déjà enceintes ou mamans.
À l’origine, les frères Dardenne sont allés visiter une « maison maternelle » près de Liège, en Belgique. Leur but était d’écrire un scénario sur une jeune mère. Une fois sur place, les cinéastes ont été attirés par les moments de vie commune que partageaient ces adolescentes. Les premières scènes sèment le trouble. A l’inverse de ce qui se produit habituellement dans leurs autres films, centrés sur un personnage, il s’agit ici de cinq protagonistes dans une maison maternelle, qui devient le point d’ancrage de ce film choral. Y sont analysés la construction du lien d’attachement entre ces jeunes mères et leurs enfants, la pauvreté, la reproduction de schémas familiaux dysfonctionnels, les conséquences engendrées par les carences affectives.
C’est une fois de plus dans leur filmographie, le même langage mais jamais les mêmes histoires, la même technique du plan séquence mais jamais les mêmes trajectoires et toujours un socle solide : l’empathie pour leurs personnages et l’humanité qu’ils incarnent. Avec cette œuvre, à l’émotion discrète, qui impressionne par sa maîtrise formelle, les Frères Dardenne nous offrent une bouleversante ode à la résilience.
25 mai 2025
Oui, nous le savons, les frères Dardenne ont pris l’option de filmer les misères sociales et psychologiques de leur pays et qui sont aussi celles du monde en général dans un contexte de consumérisme, perte de sens et individualisme, et pour ce faire, utilisent leur impeccable et talentueux savoir-faire cinématographique, tant dans la forme que sur le fond. Cela se traduit par un constant neuvième opus naturaliste "récit-témoignage", sauf qu’ici, il ne s’agit pas de problématiques individuelles mais d’un ensemble choral de problématiques avec variations à partir du vécu de ces cinq jeunes mères parfois encore adolescentes, ce qui lui confère un intérêt certain.
Le scenario est facile à suivre, très dense, dynamique, bien construit autour de la maternité de ces cinq jeunes filles et de la prise en charge de leurs nouveaux nés, dans des conditions difficiles et provoque - plus que des émotions d’affect - une indignation, une révolte.
La direction d’acteur est parfaite et les protagonistes à la hauteur. Les dialogues sont factuels et contemporains, parfaitement maitrisés.
L’image nous donne, non seulement à voir, mais à espérer, car dans toute situation ardue et douloureuse, il y a de l’Espoir.
25 mai 2025
Comme souvent chez les frères Dardenne nous voici plongés au coeur de la société. Nous sommes en Belgique, mais nous pourrions aussi bien nous trouver dans n’importe quel pays européen. On dit souvent que leur cinéma ne prend pas parti. Pourtant, sans démonstration appuyée, ils nous montrent que le déterminisme social existe. Bien souvent ces jeunes mères connaissent le même destin que leurs familles. Dès le début du film grâce à leur caméra en liberté, nous suivons la vie de ces jeunes filles. La force de leur cinéma fait que nous nous identifions à elles quelques soient les barrières sociales.
Ici les hommes sont souvent absents ou alors ils sont si veules que nous souhaitons les voir disparaitre. Les femmes sont souvent les héroïnes des films des frères Dardenne, car elle font toujours preuve - malgré la misère sociale - de force et de détermination. Quand elles échouent, elles se relèvent toujours pour affronter la réalité.
Ce film est aussi un hommage aux agents de l’État car ils soutiennent toujours ces jeunes femmes encore adolescentes pour certaines.
24 mai 2025
Avec Jeunes Mères, les frères Dardenne signent leur première chronique sociale plurielle et lumineuse. Ils racontent cinq histoires, celles de cinq jeunes filles qui se libèrent d’un destin, d’une prison, chacune à sa façon.
Ce dixième long métrage de Jean-Pierre et Luc Dardenne a été présenté en compétition au Festival de Cannes. Et a obtenu le prix du scénario ainsi que le prix du Jury œcuménique.
C’est la première fois qu’un titre des frères Dardenne se décline au pluriel. Et cela change tout car le récit collectif, soit cinq adolescentes, confrontées à une maternité précoce, s’éloigne totalement des trajectoires individuelles auxquelles nous avaient habitués les deux cinéastes dans leurs précédents longs métrages. Indiquons que les titres de leurs films sont évocateurs, ils désignent l’héroïne ou le héros portant sur ses seules épaules le drame social : citons Rosetta (1999), Le fils (2002), L’enfant (2005), Le gamin au vélo (2011), Le jeune Ahmed (2019) ou encore Tori et Lokita (2022), premier titre désignant un duo de protagonistes.
À l’origine, les frères Dardenne sont allés visiter une « maison maternelle » près de Liège, en Belgique. Leur but était d’écrire un scénario sur une jeune mère. Une fois sur place, les cinéastes ont été attirés par les moments de vie commune que partageaient ces adolescentes.
Les premières scènes de Jeunes Mères sèment le trouble. A l’inverse de ce qui se produit dans leurs autres films, ils mettent en scène, ici, cinq protagonistes, dans une maison maternelle qui devient le point d’ancrage du film.
Dans ce ce long métrage, nous découvrons l’histoire de Jessica, Perla, Julie, Ariane et Naïma (que l’on ne voit que dans les premières séquences), hébergées dans une maison maternelle, leur « cocon », qui les aide dans leur vie de jeune mère. Ces cinq adolescentes ont l’espoir de parvenir à une vie meilleure pour elles-mêmes et pour leur enfant.
Si ces jeunes femmes partagent avec les précédents personnages des Dardenne les vicissitudes des déclassés, elles échappent à l’urgence qui pousse habituellement les héros dardeniens dans le champ du thriller. En effet, jusqu’à ce long métrage, une tension de plus en plus croissante accaparait le héros ou héroïne et chacun de leur film traçait le chemin d’un seul personnage..
Les histoires de ces jeunes filles diffèrent, mais dans tous les cas, persiste la crainte d’un schéma familial répété. Toutes sont issues de familles où règnent la pauvreté (économique et intellectuelle), la violence (physique, morale et sexuelle) et l’addiction (alcool, drogue). Mais si les erreurs peuvent se transmettre de génération en génération, rien n’est immuable, et le portrait de ces cinq jeunes mères est là pour le prouver. En dépit des disparités de caractère de chacune, des racines diverses de leur désir précoce de maternité, il y a de la sororité qui se diffuse et de l’amour à partir de petits gestes. Le lien est primordial et il commence au centre d’accueil des jeunes mères, ces maisons dites « maternelles », véritable lieu d’apprentissage des gestes, enseignés par des éducatrices.
Le choix des histoires permet de diversifier les personnages et leurs enjeux. Certaines sont encore enceintes, d’autres ont déjà accouché. Entourées par des équipes médicales et des soignantes, elles doivent apprendre à s’occuper de leur bébé à travers l’apprentissage des gestes du quotidien afin de devenir mère à part entière, ou bien se préparer à le confier à l’adoption. Tout est organisé pour les protéger et les responsabiliser. Et elles sont dans une situation où cohabitent amour maternel, volonté de survie, sentiment de culpabilité. Et surtout, comment devenir mère alors que l’on est encore, soi-même, une enfant ?
Jessica n’a pas encore accouché et elle voudrait renouer des relations avec sa mère qui l’a abandonnée à sa naissance. Julie, au contraire, désirerait couper le cordon avec une mère envahissante et qu’elle veut éloigner de son bébé. Perla ne peut se sentir mère responsable que si elle entre dans un modèle familial traditionnel. Ariane a peur de retomber dans les pièges de la drogue.
A travers Jeunes Mères, Les frères Dardenne continuent à explorer la misère de notre société, qui est la marque déposée de ces deux cinéastes. Après les dettes, le chômage, les sans-papiers, les trafiquants,... , ils s’intéressent à la maternité.
Dans ce film choral, sont analysés la construction du lien d’attachement entre ces jeunes mères et leurs enfants, le rapport à autrui et notamment aux bébés déjà considérés comme une personne, la pauvreté, la reproduction de schémas familiaux dysfonctionnels, les conséquences engendrées par les carences affectives.
C’est une fois de plus le même langage, le tournage à l’os, les longs plans séquences (surnommés les alexandrins des Dardenne), les tranches de vie en direct, la manière de filmer les regards et les visages au plus près : de devant, de derrière, sur le côté, acteurs majoritairement non professionnels, articulation d’un ancrage social mais jamais les mêmes histoires, mais jamais les mêmes trajectoires et toujours un socle solide : l’empathie pour leurs personnages et à travers eux pour l’humanité qu’ils incarnent.
Jeunes Mères est bien dans la droite lignée du cinéma des frères Dardenne : un film social, à la dimension humaniste forte où l’espoir est permis. Les deux cinéastes offrent aux personnages une vive réalité de leurs forces et leurs faiblesses. Ce sont des mères larguées peut-être, mais des mères humaines.
Jeunes Mères est un hommage à la force et la solidarité des femmes. Perla, Ariane, Julie, Jessica devront prendre une décision capitale pour la suite de leur vie : garder leur enfant ou le placer. Elles ont à réparer ou à construire quelque chose. « Il nous semble que ces cinq jeunes mères nous ont conduits vers les émotions les plus fondamentales » (Jean-Pierre et Luc Dardenne).
Cette œuvre est optimiste, la scène de la rencontre avec une ancienne professeure de l’une des filles - qui à partir d’un poème mélancolique de Guillaume Apollinaire, joue une sonate de Mozart - est fortement symbolique.
A propos de Jeunes Mères, les cinéastes ont déclaré : « On n’explique jamais nos personnages. Ils doivent avoir en eux un noyau, quelque chose qui résiste aux interprétations les plus savantes ».
Avec cette œuvre, à l’émotion discrète, qui impressionne par sa maîtrise formelle, les Frères Dardenne nous offrent, dans un style épuré, une bouleversante ode à la résilience.
Pour le Jury œcuménique : " ce film illustre une approche éthique non pas par de grandes démonstrations mais par des gestes bienveillants. C’est une histoire racontée avec douceur dans la meilleure tradition des auteurs qui, une fois de plus, sont capables d’apporter de la nouveauté à leur style épuré ".
Le film explore la première et essentielle relation de toute vie humaine : la maternité. Cela nous ramène à une vérité profonde : l’amour peut perdurer, même quand la famille - cette structure sociale fondamentale - est défaillante, quand les circonstances sont défavorables, quand le fardeau des responsabilités d’adultes pèse sur la jeunesse. Ce film nous révèle que même les petits gestes persistants d’affection et de soin, qu’ils proviennent de personnes ou d’institutions, peuvent guérir les blessures les plus profondes.
Il y a 26 ans, Jean-Pierre et Luc Dardenne montaient les marches pour la première fois. C’était pour le film Rosetta. Et pour une Palme d’or. Et un prix d’interprétation décerné à Émilie Dequenne. Le vendredi 23 mai 2025, ils furent au pied du Palais des festivals avec de jeunes femmes, qui, avec Jeunes mères ont vécu leur toute première expérience de cinéma tout comme la regrettée héroïne de Rosetta, en son temps. Pour Luc Dardenne, cela a fait écho à ce souvenir fondateur : « Comme cet après-midi passait Rosetta, aujourd’hui passe Jeunes Mères », soulignait Luc Dardenne, qui dédie ce moment à Émilie Dequenne par leur film.