Nationalité : Belgique, France, Allemagne
Genre : Drame
Durée : 1h 46min
Date de sortie : 3 juillet 2024
Réalisateur : Jonathan Millet
Acteurs principaux : Adam Bessa, Tawfeek Barhom, Julia Franz Richter
Ce film est présenté comme film d’ouverture à la Semaine de la Critique au Festival de Cannes 2024.
Hamid est membre d’une organisation secrète qui traque les criminels de guerre syriens cachés en Europe. Sa quête le mène à Strasbourg sur la piste de son ancien bourreau.
Inspiré de faits réels.
(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)
16 mai 2024
Ce film sensoriel et électrique, à mi-chemin entre film d’espionnage et thriller politique, est inspiré d’une histoire vraie cherchant à renouer avec l’esprit paranoïaque des années 70 et du long métrage Marathon Man de John Schlesinger. Avec cette fiction, Jonathan Millet poursuit son exploration des marges et des enjeux géopolitiques contemporains.
Ce premier long métrage est d’une rigueur et d’une mécanique implacables. La victime n’a jamais vu son bourreau, mais grâce à la mise en scène et aux plans séquences, le récit des tortures passe par l’écoute des voix de ceux qui les ont subies. Les souvenirs remontent grâce aux odeurs, à la peau, au toucher.
Les revenants sont partout dans ce beau film hanté par l’absence et le manque, y compris chez ceux qui ont survécu.
Le sujet traite aussi avec beaucoup d’empathie du thème de l’exil et montre la difficulté de s’insérer dans un autre pays ainsi que les limites sociales relationnelles après de tels traumatismes.
Au-delà des stigmates de la prison et de la torture, le film montre à quel point il est difficile de faire le deuil, ainsi la merveilleuse scène où Hamid enterre dans le sable la photo de sa femme et de sa fille disparus, avec un petit cheval en bois. Pour ne rien oublier, mais pour tourner la page.
Adam Bessa incarne un personnage qui porte en lui et imprègne son regard de tout le poids d’un passé tragique.
16 mai 2024
Comment trouver un ancien bourreau du régime syrien, réfugié sous une fausse identité quelque part en Europe, sans connaître son visage ?
Prenant la forme d’un thriller d’espionnage, le scénario nous fait découvrir les rouages de l’organisation clandestine qui soutient Hamid dans sa traque. Un antihéros hanté par la perte d’être chers, par les problèmes de santé de sa mère, par la mort qu’il a vu lui-même de près. Habité par la colère autant que la peur, son besoin de justice flirte avec des pulsions de vengeance. Celui qu’il a repéré est-il bien son tortionnaire ? Ne lâchant jamais le regard d’Hamid, la caméra nous entraîne dans une longue filature, à la recherche des signes qui pourraient l’identifier. Nous comprenons sa retenue tactique comme ses pulsions. Une voix, une odeur, une cicatrice, une photo ? On ne peut agir qu’avec certitude !
La tension est permanente et la narration ne dévie pas un instant de son sujet. La sobriété de la réalisation fait la force de ce film, qu’il s’agisse de la mise en scène, des dialogues ou des acteurs : elle assoit la crédibilité du sujet, et par là même soulève notre émotion. Non sans heurter au passage notre conscience en soulevant plusieurs questions éthiques et politiques.
Les fantômes est un de ces « petits bijoux », comme on aime les découvrir à Cannes !
15 mai 2024
Hamid est censé être en Allemagne, pays qui a accueilli 800 000 réfugiés syriens. Mais nous réalisons qu’il se trouve, après son exil, à Strasbourg, pour le compte d’un groupe clandestin. Ce thriller fiction s’inspire d’une histoire vraie dans laquelle des civils syriens rescapés ont traqué dans une organisation secrète, leurs anciens tortionnaires exilés en France.
Le film commence avec la traversée oppressante du désert syrien en camion et nous conservons ce ton oppressant tout au long du film. Hamid est peu loquace, son visage fermé, anxieux, son regard sombre en disent suffisamment. Il n’y a pas de combat spectaculaire, il se fond dans la vie quotidienne, assure sa filature avec discrétion. C’est ainsi que ce thriller nous prend littéralement.
Outre les stigmates de la prison et de la torture, le film évoque aussi la difficulté pour le migrant d’oublier, de tourner la page, le temps nécessaire pour faire son deuil : ils ont tous perdu quelqu’un.
Habitué aux documentaires, nous pouvons confirmer que le réalisateur Jonathan Millet a réussi avec justesse son premier long métrage.