Primary Menu

Rosalie

Un Certain Regard
Rosalie

Nationalité : France
Genre : Historique, Drame, Romance
Durée : 1h55min
Date de sortie : Prochainement
Réalisateur : Stéphanie Di Giusto
Acteurs principaux : Nadia Tereszkiewicz, Benoît Magimel, Benjamin Biolay

Rosalie est une jeune femme dans la France de 1870 mais ce n’est pas une jeune femme comme les autres, elle cache un secret : depuis sa naissance, son visage et son corps sont recouverts de poils. Elle est ce qu’on appelle une femme à barbe mais n’a jamais voulu devenir un vulgaire phénomène de foire. De peur d’être rejetée, elle a toujours été obligée de se raser. Jusqu’au jour où Abel, un tenancier de café acculé par les dettes, l’épouse pour sa dot sans savoir son secret. Mais Rosalie veut être regardée comme une femme, malgré sa différence, qu’elle ne veut plus cacher. Abel sera-t-il capable de l’aimer quand il découvrira la vérité ?


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Qu’est-ce que la féminité ?
Stéphanie di Giusto enchâsse celle, hors normes, de Rosalie dans un écrin de couleurs douces : verdure, boiseries, grisaille des bâtisses, reflets bleutés de ses robes et de ses yeux.
Son étrangeté, pourtant, dérange. En particulier dans cette petite communauté rurale où règne avec un paternalisme glacé le propriétaire des terres et de l’usine locale. Au début du film, une scène de chasse à courre montre une meute déchaînée et donne ainsi le ton.
Mais Rosalie est courageuse et porte un toast à « l’Amour ».
L’amour de la vie, malgré tout.
L’amour de soi-même, elle qui s’autorise à rêver.
L’amour inconditionnel d’un enfant.
L’amour espéré d’un mari.
Nadia Tereszkiewicz et Benoît Magimel incarnent avec force l’apprivoisement progressif de ces deux êtres.


Rosalie offre un scénario original porté par l’interprétation subtile de Nadia Tereszkiewicz et Benoît Magimel.
La médecine explique tout, mais ne saurait dompter les représentations sociales. D’autant que notre héroïne en rajoute, en bonne épouse, pour aider son mari garde-chasse et patron d’un bistrot sans clients, à sortir de sa routine. Elle a du talent, une joie communicante : le succès sera au rendez-vous mais c’en est trop pour ces braves gens, fussent-ils ouvriers ou patrons. La jalousie servira de caisse de résonance à l’intolérance et au rejet. Comment vivre alors, quand les fondements de son identité sont rejetés ?
Abel possède la vertu du respect. Mais il lui faudra du temps pour parcourir le chemin jusqu’à un véritable amour : chemin de conversion passant par la colère, le consentement, le « prendre soin », et l’étonnement.
C’est une méditation universelle sur l’altérité car le « mal » dont Rosalie souffre incarne aussi toutes les différences mal ou pas acceptées.


De nos jours beaucoup de dérèglements hormonaux féminins sont soignés, dont l’hirsutisme. Mais au 19ème siècle, les femmes atteintes de cette maladie ne peuvent échapper au développement excessif de leur pilosité.
Alors que faire ? Se raser, certes. S’isoler, voire se cacher. Ou bien décider d’affirmer son apparence ? L’ambiguïté née de ce choix sera aggravée par le fait que Rosalie (vendue par son père) est affublée d’un mari qui n’appréciera guère le procédé et – dans un premier temps – fera payer à son épouse la supercherie.
Mais contre toute attente, cette femme ne se résigne pas et décide d’utiliser sa différence, et ce dans une province française où règne l’obscurantisme. Alors elle expose sa beauté singulière, sa générosité, sa douceur, sa sensualité intime et fait face à la médisance et à la méchanceté avec un immense courage.
La réalisatrice assortit son propos d’une photographie délicate et intelligente. Ainsi les teintes pastels des tenues de Rosalie répondent à la noirceur des âmes de ceux qui portent des vêtements foncés, et autres procédés. Tous génèrent des émotions difficiles à contrôler tant ce personnage est attachant. Et pour le pari du film... réussi !


Un film en costumes. Cette histoire d’une femme à barbe pose bien des questions plus universelles. Quand Rosalie veut adopter une fille avec laquelle elle a noué une timide relation, la mère supérieure affirme, pleine de bonté, que Dieu aime toutes ses créatures. Mais au moment de réaliser l’adoption, elle dépend du donateur principal du monastère qui, quoique troublé par Rosalie, ou justement à cause de cela, convainc la supérieure du manque de moralité de celle qui ne rêve que d’être mère. Une réplique très forte du film : quand le journaliste interroge Rosalie, il lui demande comment on peut vivre avec un tel handicap. Et elle répond en gros, que de toute façon c’est difficile d’être une femme…
Caractère fort, Rosalie finit par gagner l’amour. La scène finale est sublime.