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Laissez-moi

ACID
Laissez-moi

Nationalité : Suisse, France, Belgique
Genre : Drame
Durée : 1h32
Date de sortie : Prochainement
Réalisateur : Maxime Rappaz
Acteurs principaux : Jeanne Balibar, Thomas Sarbacher, Pierre-Antoine Dubey

Claudine consacre toute sa vie à son fils. Toutefois, chaque mardi, elle s’offre une plage de liberté et se rend dans un hôtel de montagne pour y fréquenter des hommes de passage. Lorsque l’un d’eux décide de prolonger son séjour pour elle, Claudine en voit son quotidien bouleversé et se surprend à rêver à une autre vie.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

C’est au cœur de magnifiques montagnes suisses du Valais et au barrage de la Grande Dixence que se déroule ce film. On y suit la vie de Claudine, couturière, avec son enfant dépendant. Interprétée par Jeanne Balibar, pleine de justesse dans son jeu, on ressent avec elle ses états d’âme, son amour inconditionnel pour son fils, son besoin de liberté qu’elle cherche auprès d’hommes un jour par semaine. Sa vie est réglée comme du papier à musique. Est-elle vraiment libre lorsqu’elle refait tous les mardis les mêmes gestes, les mêmes voyages, qu’elle pose les mêmes questions aux hommes rencontrés, et quand elle reçoit les mêmes clientes. La rencontre avec Michael va remettre toute cette vie en question. Comment y arriver quand elle est bouleversée par l’arrivée d’un homme ? Avec sa voix grave et rauque, son attitude, sa minutie, Claudine nous émeut. Dans ce premier long-métrage, Maxime Rappaz, par la lenteur de l’action, nous permet de savourer chaque moment, chaque mot prononcé, chaque acte d’amour.


C’est un film intimiste de l’ordre du mélodrame qui saisit le portrait d’une femme d’une cinquantaine d’années magnifiquement porté par Jeanne Balibar. Cette femme est positionnée autour de sa condition de mère et de ses difficultés, ainsi qu’ autour de son choix de « femme libre ». Elle nous amène dans un ailleurs le temps d’un été.
Tous les actes de cette femme relèvent du quotidien, la chorégraphie des gestes définit les dialogues ciselés des personnages. L’image est au service d’un film construit au service du geste, du regard et de l’acteur.
Les plans géographiques, qui montrent la double vie de Claudine, délimitent le trajet, le parcours quotidien de Claudine vers un autre monde. Cet aller/retour maison et hôtel permet le passage d’un lieu calme à un lieu vertigineux à travers les vues des montagnes et du barrage.
La mise en scène est est sensible et millimétrée, les tensions et les contradictions du personnage de Claudine nous prouvent une nouvelle fois que Jeanne Balibar est une très grande actrice et fait penser ici à Delphine Seyrig.


Un train roule dans un paysage de montagne, avec à bord une femme de dos, élégante, seule dans le compartiment. C’est tellement étonnant de voir une femme avec des bottines à talons à 2 500 m d’altitude !
Majestueuse, Jeanne Balibar interprète cette femme, cinquantenaire, qui n’a pas peur de ses désirs et qui a décidé de partager des moments intimes avec des hommes tout en protégeant son intimité. « Je sais, vous êtes une femme qui part après l’amour ». Son intimité, elle le réserve à son fils handicapé dont elle s’occupe avec amour et patience. Claudine a organisé sa vie entre ces deux mondes bien séparés, avec une routine étonnante qu’elle maîtrise à merveille : mêmes trajets, mêmes gestes, mêmes rencontres. Pas de surprise hormis le partenaire du jour. Ce qui nous frappe surtout est la grande délicatesse qu’elle déploie d’un côté comme de l’autre. Pour ces sorties intimes, la topographie extraordinaire du lieu avec son immense barrage hydroélectrique – à Colombey-Muraz en Valais – évoque la circulation du désir dans l’espace et magnifie ce personnage emblématique marchant avec élégance jusqu’à l’hôtel. A l’intérieur de l’hôtel, le côté exigu de la salle à manger ou des chambres accentue l’aspect intimiste des rencontres.
Le film est aussi l’occasion de nous montrer les liens fusionnels d’une mère avec son fils handicapé : « Vous êtes courageuse » lui dit une cliente – Claudine est couturière à domicile – « C’est mon fils » lui répond-elle avec douceur en souriant. Et c’est justement cette intimité si bien orchestrée qui, à l’arrivée d’un nouvel amour, va se trouver ébranlée, et où chacune des cartes si minutieusement positionnée pourrait être déplacée.