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Kuolleet lehdet / Les Feuilles mortes

Les Feuilles mortes
Compétition Officielle
Kuolleet Lehdet

Nationalité : Finlande
Genre : Drame, Comédie, Romance
Durée : 1h 20
Date de sortie : 20 septembre 2023 en salle
Réalisateur : Aki Kaurismäki
Acteurs principaux : Alma Pöysti, Alina Tomnikov, Martti Suosalo

Deux personnes solitaires se rencontrent par hasard une nuit à Helsinki et chacun tente de trouver en l’autre son premier, unique et dernier amour. Leur chemin vers ce but louable est obscurci par l’alcoolisme de l’homme, la perte d’un numéro de téléphone, l’ignorance de leur nom et de leurs adresses réciproques. La vie a tendance à mettre des obstacles sur la route de ceux qui cherchent le bonheur.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Ambiance sombre des petites gens qui triment dans les petits boulots mal payés. On est à l’étroit, c’est dur, répétitif, salissant et la solitude règne.
Sur les chantiers les ouvriers sont en dortoir.
Les distractions sont peu nombreuses au-delà du bistrot. Le karaoké du vendredi soir est donc le lieu d’animation, de rencontre où chacun fait un effort vestimentaire. C’est là aussi que se nourrit l’amitié fidèle des collègues.
Les brefs dialogues de ces ouvriers taiseux sont croustillants d’humour. Les regards sont expressifs et les clins d’oeil au cinéma sont nombreux ne serait-ce que par les affiches de films sur les murs. Nous ne sommes pas du tout dans une comédie musicale mais ce sont pourtant les chansons qui font avancer le récit et surtout donnent des paroles aux silences et états d’âme de nos héros.
Tous, malgré la misère et l’alcoolisme, cherchent un peu de bonheur, d’amour. Ils sont droits (presque raides), dignes. L’espérance est bien là qui pointe avec l’automne...


Les Feuilles mortes de Jacques Prévert et Joseph Kosma est une chanson d’amour triste. Le nouveau film éponyme d’Aki Kaurismäki, lui, nous raconte une histoire d’amour qui se termine bien. Les débuts sont difficiles pourtant, faits d’une succession de rendez-vous manqués. Il faut dire que les deux tourtereaux traînent leur solitude et leur mal-être social partout où ils vont. Les lieux de leurs pérégrinations... parlons-en ! Un cinéma miteux appelé Ritz ou un bar glauque nommé California Bar.
L’ironie et le second degré sont partout présents dans le film. Le jeu d’acteur est figé et caricatural et les dialogues comme les décors sont minimalistes. C’est toute la force du style rétro du réalisateur finlandais qui accorde une place prépondérante à l’espace et au temps. Il semble avoir fait du dicton anglais « less is more » sa devise. Car de personnages qui n’arrivent pas à exprimer leurs émotions, il fait une histoire d’amour qui naît et s’épanouit. Même dans la grisaille ambiante souffle un vent de fraîcheur, faisant des Feuilles mortes un film puissant par sa lenteur et sa dérision mais aussi touchant par ses non-dits et sa tendresse.


Il y a un peu de Ken Loach et beaucoup de Charlie Chaplin dans ce drame social peu bavard et condensé à l’extrême, un petit bijou peut-on dire. Ansa et Holappa sont deux trentenaires déclassés et taiseux, genre losers en quête d’un job stable et d’un peu de plaisir à l’occasion. Entre l’alcoolisme de l’un et l’inconséquence de l’autre, les patrons à cheval sur les règles, la simple malchance parfois… les coups du sort s’acharnent sur leur destin.
Le regard du réalisateur est clinique, davantage que dans l’émotion. Mais la réalisation très humoristique – un humour pince-sans-rire de dialogues et de situations, soulage heureusement l’atmosphère glaciale qui ressort de cet environnement, au point de rendre le film réellement plaisant. Et cette mesure du propos donne par contrecoup un poids politique à notre fable. Coup de gueule contre les conditions de travail des ouvriers, les patrons malhonnêtes, l’alcoolisme, la solitude invisible. Et admiration pour ces gens pauvres et dignes, invisibles qui se relèvent malgré tout.