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Tirailleurs

Un certain regard
Tirailleurs

Nationalité : France Sénégal
Genre : Drame Historique Guerre
Durée : 1h49
Date de sortie : 2022
Réalisateur : Mathieu Vadepied
Acteurs principaux : Omar Sy, Alassane Diong, Jonas Bloquet, Bamar Kane, Alassane Sy

1917. Bakary Diallo s’enrôle dans l’armée française pour rejoindre Thierno, son fils de 17 ans, qui a été recruté de force. Envoyés sur le front, père et fils vont devoir affronter la guerre ensemble. Galvanisé par la fougue de son officier qui veut le conduire au cœur de la bataille, Thierno va s’affranchir et apprendre à devenir un homme, tandis que Bakary va tout faire pour l’arracher aux combats et le ramener sain et sauf.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

L’histoire du jeune sénégalais Thierno, 17 ans en 1917, sert de fil conducteur à cet excellent film, hommage aux soldats africains des anciennes colonies françaises, héros de la guerre de 14-18.
Mathieu Vadepied nous invite à une réflexion sur la guerre, le courage face au danger ainsi que sur le dilemme entre obéissance au père (Bakary) et refus de déserter.
Réflexion aussi sur la fraternité et la solidarité entre cultures très diverses pour une cause devenue commune.
Réflexion surtout sur des modèles de paternité opposés (celui du général Chambreau vs celui de Bakary).
Poignante scène finale sous l’Arc de triomphe, qui abrite le soldat inconnu, accompagnée d’une voix off qui invite, de façon poétique, au devoir de mémoire.
Omar Sy et Alassane Diong sont remarquables dans leurs rôles. Le réalisateur a su éviter tout voyeurisme ou image insoutenable.


Le cinéma ne s’est, jusqu’à présent, que peu intéressé au sort de ces tirailleurs Sénégalais qui ont eux aussi, fourni de la chair à canon pendant la Grande guerre pour défendre un territoire qui n’était pas le leur. Deux situations socio-culturelles très éloignées entre les Français et les Sénégalais et deux points de vue antagonistes de la relation père-fils se révèlent au fil du récit. Dans les deux cas un fils devrait se soumettre à son père mais, alors que l’officier supérieur considère de son devoir de destiner ses fils à l’armée, l’éleveur sénégalais souhaite protéger le sien pour qu’il lui succède un jour et prenne soin de sa famille et des bêtes.
Un autre contraste frappant, entre la beauté époustouflante des photos du Sénégal et celles de la guerre enchaînant les gros plans pour en dénoncer le chaos.


Mathieu Vadepied nous propose ici de revisiter une page sombre de l’histoire de la grande guerre. 1917 : l’armée française capture de jeunes garçons en Afrique, pour les envoyer au front en première ligne aux côtés des soldats français, dont ils ne connaissent ni la langue, ni la culture, ni l’histoire. Ils sont tellement jeunes et leur destin brisé. Un père sénégalais voit son fils enlevé et s’enrôle volontairement pour tenter de le sauver. Ils quittent le calme de leur village et leurs troupeaux pour être plongés dans l’enfer des tranchées dans l’est de la France. Au-delà du fracas de la guerre où il faut tenter de faire bouger les lignes de front, ce film nous parle de la relation père/fils mise à mal au milieu des horreurs. Il nous présente des figures de fils devenus des hommes qui ont grandi trop vite, en quête d’honneur ou de reconnaissance sur le champ de bataille, ou comment exister dans les yeux du père !
Avec ce film, Mathieu Vadepied nous invite également à nous interroger sur notre mémoire. Quelle place avons-nous fait à ces soldats artilleurs africains morts pour la France dans notre souvenir ? « On n’a pas la même mémoire mais on a la même histoire » dira Omar Sy dans une conférence de presse. Un Omar Sy que nous connaissons tellement bien et qui ici nous surprend en parlant peu.