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Le Bleu du Caftan

Un certain regard
Le bleu du Caftan

Nationalité : France Maroc Belgique Danemark
Genre : Drame Romance
Durée : 1h58
Date de sortie : 2022
Réalisateur : Maryam Touzani
Acteurs principaux : Saleh Bakri, Lubna Azabal, Ayoub Missioui

Halim est marié depuis longtemps à Mina, avec qui il tient un magasin traditionnel de caftans dans la médina de Salé, au Maroc. Le couple vit depuis toujours avec le secret d’Halim, son homosexualité qu’il a appris à taire. La maladie de Mina et l’arrivée d’un jeune apprenti vont bouleverser cet équilibre. Unis dans leur amour, chacun va aider l’autre à affronter ses peurs.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Amour, passion, transmission : voilà les trois mots par lesquels la réalisatrice a présenté son film lors de la première à Cannes. C’est à partir de l’histoire du caftan venant de sa mère que le scénario prend forme. Oui il est bien question de transmission, c’est le fil rouge du film. Le métier de la broderie des caftans à la main se perd, pourtant Halim forme un apprenti avec patience et passion. Les clientes pressées attendront !
Passion aussi traduite dans les mots pourtant rares d’Halim pour décrire le tombé d’un tissu. Amour surtout dans la tendresse et le respect de ce couple malgré l’homosexualité d’Halim, dans la relation qui démarre avec l’apprenti... Quelle infinie dignité des différents personnages au service l’un de l’autre jusqu’au lavement des pieds...
C’est beau, émouvant... sans doute un peu long sur la fin... mais il faut du temps pour mourir. Le sens du toucher est particulièrement honoré, manifestement une signature pour Maryam Touzani comme dans son précédent film Adam .


Décidément le cinéma de Maryam Touzani est original, tant du point de vue de la caméra, de la sobriété du scénario, que de la force de vie qu’il dégage. Soutenu ici par le jeu remarquable de Lubna Azabal déjà présente dans son film Adam : elle est ici dans le rôle de Mina, une femme forte qui tient son ménage et soutient son mari autant qu’elle porte sa maladie. C’est une sorte de huis clos : l’intégralité du scénario se déroule dans trois lieux intérieurs – la rue ne servant qu’à passer de l’un à l’autre. Un film lent, une longue contemplation de l’art de la haute couture et de l’accompagnement de fin de vie. La matrice émotionnelle du film se nourrit du ’prendre soin’ : prendre soin d’une création (comme ici un caftan), prendre soin de l’autre. On pourrait répertorier toutes les occurrences de ce thème dans la mise en scène. « N’aie pas peur d’aimer » dira Mina à son mari, pour le libérer de ses entraves sociétales.
Au passage la réalisatrice n’hésite pas à écorcher, parfois avec humour, toujours avec délicatesse, nombre de conventions établies dans la société marocaine.
Ce petit bain de médina est lumineux par ses images et son contenu.


Voici un film qui parle uniquement d’amour.
L’amour que portent Halim, le brodeur-tailleur, et Mina sa femme, aux tissus soyeux et colorés et aux fils dorés avec lesquels Halim crée des caftans de toute beauté, des caftans qui durent plus qu’une vie. C’est aussi l’amour indestructible – nourri d’admiration réciproque et d’humour quotidien – que se vouent ces deux-là depuis plus de vingt-cinq ans, malgré et au-delà des désirs qui poussent Halim vers les hommes. Et malgré et au-delà de la maladie et de la mort annoncée. L’amour enfin qui naît entre Youssef l’apprenti et son patron, et qui ne se dit que par l’échange de regards et les attentions du prévenant Youssef.
L’image, de toute beauté, due à une caméra sensible et sensuelle, le rythme paisible, la justesse et délicatesse des sentiments, la perfection du jeu des acteurs font de ce film touchant et juste, une petite merveille.