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Boy from Heaven

Compétition Officielle
Boy from Heaven

Nationalité : France Suède Maroc Finlande
Genre : Drame Thriller
Durée : 2h00
Date de sortie : 9 novembre 2022
Réalisateur : Tarik Saleh
Acteurs principaux : Tawfeek Barhom, Fares Fares, Mohammad Bakri, Makram Khoury, Mehdi Dehbi

Adam, simple fils de pêcheur, intègre la prestigieuse université Al-Azhar du Caire, épicentre du pouvoir de l’Islam sunnite. Le jour de la rentrée, le Grand Imam à la tête de l’institution meurt soudainement. Adam se retrouve alors, à son insu, au cœur d’une lutte de pouvoir implacable entre les élites religieuse et politique du pays.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Impliqué dans le complot d’un triangle infernal – entre pouvoir politique, pouvoir de l’islam sunnite et pouvoir des frères musulmans – le jeune Adam se retrouve bien loin de son village natal où la mer est si bleue, tandis qu’il est pris, malgré lui, dans un piège d’où il n’échappera qu’avec justesse. Le réalisateur montre subtilement les revirements de situation et les errements du jeune Adam dont l’âme s’obscurcit. Le style du film est précis, efficace tant dans le champ-contrechamp de dialogues tendus que dans les plans serrés sur les visages angoissés.
Lorsque Adam, interprété magistralement par Tawfeek Barhom, rentre chez son père, l’imam de son village lui demande : « Qu’as-tu appris à l’université ? », Adam ne répond pas mais le subtil réalisateur Tarik Saleh nous offre un superbe grand angle sur la mer où vogue alors Adam sur sa barque. C’est alors que résonne une superbe phrase du film « La liberté est la nécessité de la conscience ».


Le Caire est bel et bien un nid d’espions. Même la très sacrée université Al-Azhar, phare de l’enseignement islamique sunnite, est infiltrée. Boy from heaven, le dernier film du réalisateur suédois d’origine égyptienne Tarik Saleh, nous plonge dans les méandres d’une intrigue policière mêlée de religiosité. On y retrouve l’éternel conflit entre pouvoir temporel et pouvoir spirituel. Le premier tentant toujours de contrôler l’autre pour mieux le dominer.
Lorsque le cheikh de la prestigieuse université meurt subitement, une lutte de pouvoir s’exerce en sous-main pour choisir son successeur. Car de l’harmonie entre l’Etat égyptien et l’autorité spirituelle à la tête d’Al-Azhar dépend la paix sociale.
Au milieu de ce jeu de dupes, l’innocence du jeune Adam, simple pêcheur devenu étudiant, ne fera pas long feu. De retour chez lui, lorsque le cheikh de sa mosquée lui demande ce qu’il a appris au Caire, son silence est lourd de sens.


Thriller très politique, Boy from heaven dresse un tableau glaçant des conflits politiques et religieux qui se jouent en Egypte, ainsi que des méthodes très dictatoriales du régime. Ces conflits ne datent pas d’aujourd’hui – depuis toujours le pouvoir égyptien cherche à mettre la main sur la grande mosquée Al-Azhar, un des cœurs de l’islam sunnite. Mais de nos jours ils se jouent à trois entre l’Etat, les autorités sunnites traditionnelles et les Frères musulmans.
Le jeune Adam, pêcheur à l’âme pure, se retrouve balloté au risque de sa vie entre ceux qui l’instrumentalisent (le colonel Ibrahim) et ceux qui doutent de sa fidélité (les Frères musulmans). Manipulé par les uns et les autres, il est acculé petit à petit à agir non par conviction mais pour sauver sa peau. On découvre qu’à tous les niveaux chacun peut devenir le pion d’une autorité supérieure. Et que le pouvoir des mots se fonde ici sur la capacité à se référencer au Coran. Notre héros va en faire l’apprentissage.
Un scénario passionnant avec de nombreux rebondissements, une mise en scène limpide et dynamique, des acteurs impeccables... Tout concourt à faire de Boy from heaven un très grand film !


Si la première et la dernière image de ce film nous montrent son principal protagoniste en bateau, l’on peut y voir plusieurs symboles : car bien que pêcheur de son état, il est - dès son intégration dans la prestigieuse université sunnite Al-Azhar grâce à une bourse d’étude - manipulé ou plus trivialement « mené en bateau », contraint de « ramer » dans un univers qui n’est pas le sien. En effet, étudiant pieux et sans expérience, il sera utilisé pour mener à bien l’élection du successeur du « Grand Imam » qui vient de décéder et, dès lors, confronté à la pire des corruptions, ainsi qu’à des personnages (politiques/islamistes) qui n’auront jamais l’air de ce qu’ils sont. Alors le scénario nous tient en haleine… tant son personnage est toujours sur le fil du rasoir : côté perdant ou gagnant ? Il nous faudra attendre la fin du film ! Toutefois, les scènes esthétiques, magnifiques et statiques, tirées au cordeau, sont parfois gênantes au regard du dilemme intérieur de ce personnage qui oscille entre les ordres, les procédures et les tiraillements de sa propre conscience. La politique en toile de fond n’est peut-être pas assez fouillée, mais merci à ce réalisateur suédois qui, à l’aube du « printemps arabe », nous donnait à voir un monde que l’on subit encore.