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Alma Viva

Semaine de la Critique
Alma Viva

Nationalité : Portugal France
Genre : Drame
Durée : 1h25
Date de sortie : 2022
Réalisateur : Cristèle Alves Meira
Acteurs principaux : Lua Michel, Ana Padrão, Jacqueline Corado, Catherine Salée, Duarte Pina

Comme chaque été, la petite Salomé retrouve le village familial, niché au creux des montagnes portugaises, le temps des vacances. Tandis que celles-ci commencent dans l’insouciance, sa grand-mère adorée meurt subitement. Alors que les adultes se déchirent au sujet des obsèques, Salomé est hantée par l’esprit de celle que l’on considérait comme une sorcière.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Alma Viva est un récit initiatique, un film centré autour de plusieurs générations au sein d’une même famille dans un petit village de la région du Nord-Est du Portugal, d’où vient la famille de la réalisatrice.
L’idée de ce film avait germé chez la réalisatrice alors qu’elle était enceinte de la petite fille qui joue dans le film. Salomé, la petite héroïne de ce film apparaît dans la quasi totalité des plans, et la caméra capte souvent son visage, celui d’une petite fille silencieuse, observatrice des mouvements, des querelles et des joies de sa famille.
Avec un générique énigmatique et une histoire simple et âpre, ce film ambitieux traite d’un sujet rarement abordé au cinéma, mais pourtant bien ancré dans l’ identité franco-portugaise. A travers le regard que porte une petite fille sur le village de ses ancêtres, Alma Viva parle de la croyance en l’invisible, du lien que nous entretenons avec nos morts, des croyances ancestrales, de la crainte de la sorcellerie. La réalisatrice donne une place importante aux femmes et leur rend hommage. Le trivial et le spirituel, ainsi que la rudesse du quotidien accompagnent ce film à travers de somptueux paysages secs et arides, montagneux.


Le film s’ouvre sur un mort dont l’esprit s’attarde entre les murs de la maison, et se poursuit sur une aïeule qu’on ne réussit pas à enterrer. On comprend vite qu’il sera question d’envoûtements et d’exorcismes. D’ailleurs les femmes de la famille sont réputées être des sorcières, de la vieille Avo à la petite Salomé, (extraordinaire Lua Michel), à la fois témoin et actrice de cette chronique d’un été dans un village du Portugal. Un sujet original, donc. Et un traitement ambitieux. Cristèle Alves Meira réussit à nous montrer la complexité des gens et des choses. Une famille chaleureuse et travaillée par des rancœurs anciennes. Des femmes à l’invective facile et au cœur immense. Un prosaïsme affirmé, qui filme au plus près les corps et les gestes du quotidien, et une dimension spirituelle constante. La mise en scène sobre, la direction d’acteurs (casting parfait) juste, la photographie superbe. Comme les paysages, les personnages et leurs relations sont à la fois d’une grande rudesse et d’une sobre beauté.


Le film s’ouvre et se ferme sur deux scènes funéraires, mais le contraste est vif entre le classicisme paisible des bougies, des ténèbres et des chants qui animent la première, en intérieur, et la violence burlesque et sacrilège que déploie la seconde, en extérieur. De l’une à l’autre, la présence permanente de la petite Salomé est le fil conducteur, parfois un peu léger, qui pilote le tableau pittoresque d’une société rurale, actuelle mais encore habitée de croyances et mythes vécus fortement par une population fruste. Les femmes y tiennent avec truculence toute leur place, quelle que soit la génération.

Le scénario souffre un peu des artifices nécessaires à maintenir Salomé au centre du récit, mais l’ensemble est réussi, pour sa sympathie envers des personnages rudes mais pleins d’humanité, pour son invention d’images audacieuses - comme la gamine qui avale une tête de poule ou le caillassage du cortège funèbre - et l’évocation d’un Portugal entre deux âges d’hier et de demain.