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Aala kaf ifrit

La belle et la meute
Un certain regard
Aala kaf ifrit

Pays : Tunisien, Français, Suédois, Norvégien, Libanais, Qatarien, Suisse
Genre : Drame
Durée : 1h40
Date de sortie : prochainement
Réalisateur : Kaouther Ben Hania
Acteurs principaux : Mohamed Akkari, Mariam Al Ferjani, Ghanem Zrelli

Lors d’une fête étudiante, Mariam, jeune Tunisienne, croise le regard de Youssef. Quelques heures plus tard, Mariam erre dans la rue en état de choc.
Commence pour elle une longue nuit durant laquelle elle va devoir lutter pour le respect de ses droits et de sa dignité. Mais comment peut-on obtenir justice quand celle-ci se trouve du côté des bourreaux ?


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Contrairement au film précédent de Kaouther Ben Hania, Le chalat de Tunis, dont le scénario manquait un peu de rigueur, celui-ci est constamment sous tension et se présente comme un vrai thriller social. L’action se déroule sur quelques heures d’une même nuit et raconte le calvaire d’une jeune étudiante tunisienne qui se fait violer par des policiers. Face à cette bavure, les réflexes d’autodéfense de la police vont conduire à un enchaînement hallucinant de violences verbales ou physiques contre la victime et son compagnon. Certes certains individus sauvent un peu l’honneur des institutions mais le film montre un corps policier complètement gangrené qui se croit absolument tout permis.
Ce film "coup de poing", très bien servi par sa principale interprète, Mariam Al Ferjani, et qui utilise les intérieurs et extérieurs nocturnes pour renforcer l’angoisse, est un terrible réquisitoire contre les maux dont souffre encore la jeune démocratie tunisienne.


Une nuit de cauchemar en 5 actes :
"Tu ne connais pas la Loi ?" ou le parcours d’une jeune fille violée qui veut porter plainte.
La difficulté : les violeurs sont des policiers.
La caméra ne quitte pas la jeune fille ; nous la suivons tout au long de cette nuit, certainement la plus longue de sa vie, sous la lumière blafarde des réverbères ou des néons.
Forcément tout va être mis en oeuvre pour l’en dissuader : l’intimidation, la peur, la honte, la loi, le chantage...
Nous suivons chacun des actes de son parcours, entre l’hôpital et le commissariat de police et nous tremblons, nous sursautons, nous recevons les coups , nous avons envie de crier mais arriverons nous enfin à respirer ?


Encore une histoire inspirée de faits réels. Ce sont les plus terribles. Comment est-ce possible cette méchanceté, cette violence envers les femmes ?

Là où le film est très fort, c’est qu’il évite les clivages trop faciles. Ce n’est ni femmes contre hommes (ou l’inverse…), ni les bons résistants contre les méchants flics. L’employée de la première clinique qui reçoit la jeune fille violée lui oppose une simple fin de non-recevoir pour des questions administratives. La femme-flic qui finalement enregistre sa plainte fait son devoir, sans plus. Elle finit par traiter la victime de "traînée". Et à l’intérieur de la police il y a ceux qui essaient de l’aider et ceux qui au contraire, non seulement font tout pour la déstabiliser, mais veulent même l’incarcérer – pour atteinte aux bonnes mœurs.

Elle tient bon, longtemps. Elle appelle même son père, ce qui montre que le lien familial l’emporte sur la crainte et de la réprobation et du scandale.

On ne nous raconte pas la toute fin de l’histoire, mais ce visage de la jeune fille, baignée de lumière dans la cour lors de la scène finale, est un magnifique appel à résister à tous ceux qui voudraient bafouer le droit le plus élémentaire. "Il faut arracher son droit", avait dit un des protagonistes. Anne Sylvestre chantait à une époque "j’arracherai la lumière avec les ongles s’il le faut…"