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Sils Maria

Sélection officielle
Sils Maria

Nationalité : Français , Allemand , Suisse
Genre : Drame
Durée : 2h03min
Date de sortie :
Réalisateur : Olivier Assayas
Acteurs principaux : Chloë Grace Moretz, Kristen Stewart, Juliette Binoche

A 18 ans, Maria Enders a connu le succès en incarnant Sigrid, jeune fille ambitieuse et au charme trouble qui fascine et conduit au suicide une femme mûre, Helena. Vingt ans plus tard, à l’apogée de sa gloire, elle reçoit à Zurich un prix prestigieux au nom de Wilhelm Melchior, l’auteur et metteur en scène de la pièce qui, quelques heures avant la cérémonie, meurt subitement. On propose à Maria Enders de reprendre cette pièce, mais cette fois de l’autre côté du miroir, dans le rôle d’Helena.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Le film d’Olivier Assayas est une variation très personnelle sur un sujet qui a inspiré avant lui plusieurs cinéastes et notamment Mankiewicz avec All about Eve : le rapport d’une actrice avec son propre passé lorsqu’elle est amené à revivre dans un autre personnage un temps fort de sa vie personnelle. Très étroitement lié à l’histoire de la relation ancienne et du cheminement professionnel partagé du réalisateur avec l’interprète principale, Juliette Binoche, le scénario revisite le passé pour le confronter au présent, et mêle jusqu’au vertige, comme aime à le faire si souvent Philippe Garrel dans ses films, l’identité des comédiens et celle des personnages imaginés ici par le dramaturge et cinéaste suisse d’origine allemande, Wilhelm Melchior, curieusement méconnu en France. Le serpent de Maloja, phénomène nuageux automnal troublant qui s’écoule au dessus de Sils Maria est le cadre naturel vaguement mortifère que de somptueuses images de montagne exaltent. Qu’est devenue en effet la toute jeune Maria Enders qui s’était il y a 20 ans si complètement identifiée à l’ambitieuse Sigrid, peut-elle maintenant -et à quel prix- entrer dans le rôle d’Héléna, la femme mûre qu’elle avait jadis poussé au suicide ? Dans cette histoire vénéneuse et pleine de mystère, l’intelligence et la sensibilité de la mise en scène et de la direction d’actrices -Valentine, l’assistante ambigüe de Maria, Jo-Ann la nouvelle Sigrid, miroir de Maria- sont impressionnantes. Quant à Juliette Binoche on aurait aimé lui voir décerné le prix d’interprétation féminine, tant est admirable sa capacité à exprimer de façon bouleversante le désarroi de son personnage.


Du grand art. Les paysages de rêve de la haute Engadine, lac, aiguilles rocheuses, glaciers, et le nom même de Sils Maria, forment un cadre de montagne magique où s’insère élégamment le classicisme de l’histoire et de sa mise en scène.

Aux prises avec les fantômes d’un passé qu’elle ne croyait ni si loin ni si proche d’elle, Juliette Binoche, dont les curieuses explosions de gros rire brisent souvent la glace en formation, évolue entre interlocutrices et interlocuteurs à portée de main ou à distance de télécommunications. Il s’agit pour elle, grande actrice, d’accepter puis de gérer la reprise, 20 ans plus tard, d’une pièce de théâtre où elle était la jeune partenaire d’une relation amoureuse et violente entre deux femmes : elle y sera désormais la femme mûre, qui est brisée.

Jeu de miroirs entre les paysages que l’on voit, les mêmes qu’évoque la pièce de théâtre, et qui sont le site de la mort de l’auteur ; entre la confrontation des deux héroïnes de la pièce, et celle de Juliette avec son assistante personnelle, qui lui donne en réplique son rôle d’autrefois ; entre ce qu’elle fut, et la carnassière jeune beauté qui prend sa place... Une séduisante composition sur le travail des acteurs et la cruauté du temps qui passe.