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La chambre bleue

Un certain regard
La chambre bleue

Nationalité : Français
Genre : Policier , Thriller , Drame
Durée : 1h15min
Date de sortie : 16 Mai 2014
Réalisateur : Mathieu Amalric
Acteurs principaux : Mathieu Amalric, Léa Drucker, Stéphanie Cléau

Dis- moi Julien, si je devenais libre, tu te rendrais libre aussi ?
 Tu dis ?...
Un homme et une femme s’aiment en secret dans une chambre, se désirent, se veulent, se mordent même. Puis s’échangent quelques mots anodins après l’amour.
Du moins l’homme semble le croire.
Car aujourd’hui arrêté, face aux questions des gendarmes et du juge d’instruction, Julien cherche les mots.
« La vie est différente quand on la vit et quand on l’épluche après-coup. »
Que s’est-il passé, de quel crime est-il accusé ?...


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Mathieu Amalric, connu surtout comme acteur, excellent dans les deux derniers films où il a joué, « La Vénus à la fourrure » (un des meilleurs films de Cannes 2013) et « L’amour est un crime parfait » des frères Larrieu, sorti en janvier, est aussi un réalisateur, et c’est même sa passion première. Il s’inspire ici d’un roman policier de Georges Simenon, que Maurice Pialat et Claude Chabrol avaient déjà songé à porter à l’écran sans y parvenir. Mathieu Amalric, lui, dans ce qu’on appelle un « petit film » (à la fois court, 1 heure ¼, et réalisé rapidement, avec peu de moyens) y réussit brillamment, Non seulement il est fidèle à Simenon, non seulement il livre un film haletant et intelligemment construit, mais il ajoute clairement sa touche personnelle et donne à son film une portée beaucoup plus grande.

Déjà il appelle son personnage principal Julien, pour se situer en filiation avec « Le Rouge et le Noir ». Il transpose à l’écran avec brio la passion amoureuse dévorante qui habitait le roman de Simenon. Et surtout, à travers son personnage principal qu’il interprète lui-même, il met en relief l’ambigüité et le caractère énigmatique de la nature humaine : face à son avocat, face au juge d’instruction, à sa maîtresse, à sa petite fille, se succèdent sur son visage l’angoisse, la fermeture, la détresse, la passion, l’attachement, l’espoir, la résignation. On ne saura jamais ce qui s’est réellement passé, on est presque chez Kafka. C’est du grand art, un grand acteur, un film qu’on n’oublie pas.


Bleue, la lumière qui éclaire les corps, dans le premier plan, nous livre les dessous d’une relation adultère. Le cadrage est serré. S’ensuivront une succession d’images de portes s’ouvrant sur les personnages. Le parti est pris : l’intrigue sera servie par moult plans fixes.

Les adaptations des romans de Simenon sont célèbres et le pari était risqué. La tonalité choisie par Mathieu Amalric est finalement assez classique : rythme énergique (il ne pouvait en être autrement) et dialogues complexes. Il met particulièrement en exergue les différents personnages à l’aide de gros plans qui offrent la part belle au juge. Le système judiciaire est omniprésent. A tort, ou à raison ? Et l’étau se resserre inéluctablement sur les deux accusés de cette énigme dont nous n’aurons pas la solution. Mystère ! L’on repense alors au "mystère de la chambre jaune" de Gaston Leroux. Ici, la chambre est bleue et tous les éléments nous sont fournis.

Alors ? Accusés et coupables, ou accusés et victimes...

Père Jacques le Fur