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Deux jours, une nuit

Sélection officielle
Deux jours une nuit

Nationalité :Français , belge
Genre : Drame
Durée : 1h35min
Date de sortie : 21 Mai 2014
Réalisateur : Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne
Acteurs principaux : Marion Cotillard, Fabrizio Rongione, Pili Groyne

Sandra, aidée par son mari, n’a qu’un week-end pour aller voir ses collègues et les convaincre de renoncer à leur prime pour qu’elle puisse garder son travail.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Il est malséant, et on n’en a vraiment pas envie, de dire du mal du 9ème film de Jean-Pierre et Luc Dardenne. Ces frères unis, dont la fibre humaniste et les sujets tirés de la vie quotidienne des plus humbles suscitent le respect de tous, nous donnent cependant avec cette histoire minimaliste un album d’images plutôt répétitives et attendues dont l’authenticité peine à s’imposer. Certes le cheminement vers la guérison de la dépressive Sandra à l’occasion de sa découverte d’une solidarité humaine improbable fournit-elle des raisons de ne pas désespérer de l’homme. Ce dilemme éthique semble cependant un peu tiré par les cheveux : on ne comprend pas pourquoi les salariés de l’entreprise ont pu être entraînés contre leur gré dans ce vote absurde, et absurdement répété, sur une alternative qui ne fait que refléter l’invraisemblable irresponsabilité du patron et la bassesse très XIXème siècle du contremaître (malheureux Olivier Gourmet fourvoyé !) ; pas non plus pourquoi ce vote n’a pas suscité une vague d’abstentions. Peut être faut-il accepter le fait que, dans l’intention des réalisateurs, le déploiement de cette situation extrême était indispensable à une démonstration que certains pourront trouver émouvante, d’autres un peu théorique et privée de vie.


Cette histoire de Sandra m’a fait penser à celle de la vigne de Naboth (1 Rois 21). Celui qui veut quelque chose (Achab/Dumont) charge quelqu’un d’autre (Jézabel/le contremaître) de trouver à sa place un stratagème qui lui permette arriver à ses fins. Le stratagème en question est plus ou moins confidentiel. Jézabel envoie des messagers pour inciter les dignitaires à accuser Naboth sous un faux prétexte. Dumont téléphone aux collègues de Sandra pour les inciter à voter contre elle. Jusqu’à quel point les uns et les autres sont dupes ? Les autorités condamnent Naboth, et les collègues de Sandra votent contre elle lors du premier vote. Lors du 2e vote, la moitié d’eux la soutient. Car entre temps elle va les voir, un à un, pour les supplier. Il y en a qui ont vraiment besoin de cette prime. Sandra comprend. D’autres sont prêts à y renoncer pour sauver l’emploi de leur collègue. Les motivations sont diverses, mais un argument revient souvent : « ce n’est pas moi qui décide ».

N’est-ce pas là, dans les deux cas, la plus grande perversion ? Les autorités obéissent aux ordres de la reine, les habitants lapident Naboth sur ordre du juge. Remarquez que personne n’est un meurtrier ; lors d’une lapidation ce n’est que rarement une pierre qui tue, c’est collectivement que ça se passe. Tout le monde y prend part, personne n’est responsable : « ce n’est pas moi qui décide ». Mais chacun doit mettre son bulletin de vote dans l’urne.
Que ce serait-il passé si Naboth avait pu aller voir les uns et les autres pour leur demander de ne pas jeter des pierres ?