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Amour fou

Un certain regard
Amour fou

Nationalité : Autrichien , allemand , luxembourgeois
Genre : Drame , Biopic
Durée : 1h30min
Date de sortie : Prochainement
Réalisateur : Jessica Hausner
Acteurs principaux : Christian Friedel, Birte Schnoeink, Stephan Grossmann

L’histoire de l’écrivain et poète allemand Heinrich von Kleist et sa relation avec Henriette Vogel, jusqu’à leur mort.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Un élégantissime exercice de style, ce n’est déjà pas mal. En Prusse, époque romantique, les aristocrates s’inquiètent des menaces de réformes politiques inspirées de la France. Le poête Heinrich quant à lui (on reconnaît Kleist), las de sa vaine existence, a décidé d’en finir, mais il veut être accompagné dans l’au-delà par une âme soeur. La belle Marie ayant refusé le rôle, il approche avec plus de succès la gentille Henriette, épouse et mère.

Ces délires sentimentaux sont débités sur le ton de la conversation mondaine ; gestes et comportements relèvent d’une parfaite convenance ; décors et vêtements ont fait l’objet d’une reconstitution soignée et convaincante ; cadrages, éclairages, choix et rendu des paysages composent un album d’images délicieuses que l’on a grand plaisir à feuilleter au fil des minutes. A part ça, ces existences préformatées sont vides de toute vie - nous sommes des marionnettes, dira Henriette - comme sa fille Pauline qui tape mécaniquement le clavecin devant la famille assemblée au salon, avant de faire la révérence qui clôt le film.


Avec des images qui ressemblent aux tableaux du XVIIIe siècle, la réalisatrice brosse celui d’une obsession du romantisme, celle de la mort, et plus particulièrement celle de la mort par amour. Mais plutôt que de s’épuiser dans une quête psychologico-spirituelle, elle a choisi une approche originale. Utilisant un langage finement ciselé tel qu’on pouvait l’écrire au XVIIIe – mais sûrement pas le parler - elle crée une distanciation délicieuse qui permet de mesurer cette autre distance, celle entre les intentions affichées au cours d’effusions charmantes et les motivations réelles du candidat au suicide : une profonde inaptitude à la vie avec d’autres, sinon à la vie tout court, un dégoût de la vie qui se révèle comme un excès d’égocentrisme. Car cet amour dont il est tant question est profondément ambivalent et le langage si décalé permet de révéler cette ambivalence et cette tension entre réel et prétention. N’est-ce pas là une forme particulièrement élégante d’humour, celle qui permet au spectateur d’analyser comme sous un verre grossissant ce qui se donne à priori comme élévation de l’esprit, sinon de l’âme, et au final d’en sourire ?