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Salvo

Semaine de la Critique
Salvo

Nationalité : Italie, France
Genre : Drame
Durée : 1h43min
Date de sortie :
Réalisateur : Fabio Grassadonia, Antonio Piazza
Acteurs principaux : Saleh Bakri, Sara Serraiocco, Luigi Lo Cascio

Salvo est un tueur de la mafia sicilienne, solitaire, froid, impitoyable. Lorsqu’il s’introduit dans une maison pour éliminer un homme, il découvre Rita. La jeune fille est aveugle et assiste impuissante à l’assassinat de son frère. Salvo essaie de fermer ses yeux dérangeants, qui le fixent sans le voir. Quelque chose d’impossible se produit. Rita voit pour la première fois. Salvo décide alors de lui laisser la vie sauve. Désormais, hantés l’un et l’autre par le monde auquel ils appartiennent, ils sont liés à jamais.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Dans cette banlieue de Palerme, tuer semble aussi évident et inéluctable que la chaleur, étouffante et omniprésente. Saleh Bakri, le doux et gentil Sami de La source des femmes, incarne ici un tueur efficace, taciturne et solitaire, un « bon méchant » version latin lover. Quand il doit éliminer un chef de la bande adverse, il tombe sur la soeur de sa victime, jeune fille aveugle et désemparée. Il l’épie, comme aimanté, sans qu’elle ne s’en rende compte. Quand le frère rentre, il le tue - ce qu’on « voit » à travers les yeux de Rita, puisqu’on ne voit rien, on entend seulement. Il aurait dû tuer Rita aussi, mais il l’emmène et l’installe dans une usine abandonnée, lui porte à manger. Un amour aussi muet qu’improbable bouleverse le cours des choses - et elle commence à voir.

Il aurait dû la tuer, il le sait, elle le sait, et la bande le sait qui vient pour terminer le travail. Rita arrive à fuir, lui est gravement blessé, ils se rejoignent, et elle veille sur sa dernière nuit, avant qu’une aube ne se lève qu’elle n’avait jamais vue auparavant.

Une vision âpre du destin.


Dans le genre ’la mafia à Palerme’, ce n’est pas à l’Organisation que l’on s’intéresse ici, ni à la lutte pour la combattre ou la contenir, mais au monde qu’elle génère pour qui vit dans ses territoires. Les personnages sont munis de kalachnikovs au lieu de massues, mais pour le reste semblent sortis de cavernes pré-néanderthaliennes, avec l’humanité comme promesse encore lointaine.

Cela est rendu aussi par l’absence quasi complète de langage articulé : quelques minutes de ’dialogues’ sur l’ensembe de la durée du film. Ce qui n’empèche pas la bande son (sans musique) de jouer un rôle considérable, avec bruits de portes, de coups, de chutes ou de bris, voire de cris et de râles, qui permettent de laisser hors champ bien des scènes rendues ainsi invisibles.

Ce qui est logique, puisque l’héroïne est une (très) mal-voyante, qui évolue dans une obscurité presque complète où elle se guide par ce que touchent ses mains et qu’entendent ses oreilles.

D’autant plus miraculeux alors le rapprochement qui s’établit entre le tueur qui ne semblait capable de rien d’autre, et l’infirme terrorisée d’abord par le meurtre de son frère ; c’est le contraste entre ce rai de lumière et les ténèbres où le film est plongé qui en fait l’originalité et l’intérêt (outre l’aspect ’documentaire’).