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Trois Mondes

Trois mondes

Pays : Film Français
Genre : Policier, Drame
Durée : 1h40
Date de sortie : prochainement
Avec Raphaël Personnaz, Clotilde Hesme, Arta Dobroshi
Réalisé par Catherine Corsini

Alors que tout lui réussit, Al renverse un inconnu. Poussé par ses amis, il ne dit rien et s’enfuit. Mais il est pris de remords et voit sa vie basculer…
Une jeune femme, Juliette, a vu la scène de son balcon. A l’hôpital, elle rencontre la femme de la victime, Vera, une Moldave sans-papiers. Face à la détresse de celle-ci, Juliette se sent dans l’obligation de l’aider.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Catherine Corsini aborde le thème de la responsabilité et de la culpabilité, à l’occasion du délit de fuite d’un jeune chauffard. La caméra suit le héros présenté d’emblée comme inconscient du danger réel, flirtant avec sa vie dans un jeu d’esquive de voiture. L’accident sert de point de départ à l’intrigue. Car la vie de Al bascule. Comment continuer à vivre et préserver les apparences ? Jusqu’où peut tenir un secret ? Le filme pose toutes ces questions, alors que le remords ronge Al. Mais aussi, pour Juliette qui a été témoin de l’accident : jusqu’où aider les autres ? Faut-il dénoncer quelqu’un de fautif ? Le récit enchevêtre trois histoires – en plus de Al et Juliette, nous suivons Véra, la femme du blessé moldave. Il accumule les thématiques graves : peut-on tout acheter, peut-on acheter quelqu’un ? Comment se racheter ? Il effleure pêle-mêle le sujet des travailleurs clandestins, celui du don d’organes, les différences de statut social, les dessous-de-table,… Mais ce fourre tout ne sonne pas toujours juste ; avec un jeu d’acteurs inégal, il est parfois difficile de croire à ces trentenaires en perte de repères. Aider les autres c’est narcissique et prétentieux comme le dit le compagnon de Juliette, opportunément professeur de philosophie. Ce qui est bien commode dans un conte qui se veut moral. Serait-ce la morale de l’histoire ?


Catherine Corsini est depuis déjà plusieurs films une réalisatrice confirmée en France, avec en particulier « La nouvelle Eve » (1998). L’intérêt principal de son nouveau film est de nous faire assister au réveil d’une conscience. Ce jeune homme qui rentre en voiture après une nuit de beuverie avec ses deux copains est l’auteur d’un accident qui provoque une mort. Tous trois prennent la fuite, puis font disparaître les traces de l’accident. Mais lui ne peut s’en tenir là : sa conscience se réveille, et la rencontre avec une jeune femme qui a vu l’accident de sa fenêtre (excellente Clotilde Hesme), l’engage dans tout un processus de transformation intérieure ; il croit d’abord pouvoir s’en sortir en versant de l’argent, mais comprend peu à peu que les conséquences sur sa vie sont beaucoup plus décisives. C’est donc, en milieu français d’aujourd’hui, une version différente de « Crime et châtiment », ou, plus proche encore par le thème, du film récent de Lucas Belvaux « 38 témoins ». La réalisation est claire, le scénario parfois un peu appuyé, mais l’intérêt ne se dément pas et le film donne à réfléchir sur de nombreux aspects de notre société.


Le monde de ceux qui ont réussi attire ceux qui triment en bas de l’échelle. Ce n’est que par accident que les deux croisent le monde des marginaux, immigrés sans papier. Mais alors, c’est mortel.

Le film croise de manière intelligente une large panoplie d’attitudes humaines, entre culpabilité et remords, sentiment de supériorité et opportunité de profiter d’une situation, pitié et mépris. Entre pardon impossible et condamnation inutile, il n’y a aucune échappatoire pour ce chauffard qui voit sa vie s’écrouler suite à sa lâcheté d’assumer sa faute. Et l’ambiguïté des sentiments de Juliette qui veut toujours bien faire – mais le chemin de l’enfer n’est-il pas semé de bonnes intentions ? – ne permet pas de rompre ce cercle vicieux. Il faudrait une parole forte qui dise le droit – non celui du code pénal, mais celui de l’humanité – pout sortir de l’impasse. Mais personne n’est porteur de cette parole. Et les bons sentiments ne suffisent pas à remplir ce vide, pire, ils risquent de creuser encore un peu plus l’abîme : « il est narcissique de vouloir arranger la vie des gens » dit le fiancé de Juliette – prof de philo, comme par hasard. « La mort est ce que nous ne pouvons pas accomplir à la place d’un autre » dit-il en substance. Chacun doit faire ses choix.