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HABEMUS PAPAM

Habemus Papam

Pays : Film français, italien
Genre : Drame
Durée : 1h42
Date de sortie : prochainement
Avec Michel Piccoli, Nanni Moretti, Margherita Buy
Réalisé par Nanni MORETTI

Tout juste élu, un Pape est en proie au doute...


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Nanni Moretti continue son chemin. Il s’est toujours intéressé, depuis son premier film "Je suis un autarcique", à la difficulté d’être soi-même, dans un monde qui change trop vite, face à des institutions devenues inadaptées : il a abordé successivement l’école, la pratique sportive, la vie d’un prêtre en banlieue, la société politique. Ici, il s’intéresse aux états d’âme d’un Cardinal choisi brusquement, de manière pour lui inattendue, pour être le Pape.
Si l’on accepte de prendre cette histoire avec humour, il n’y a rien de choquant dans ce film. C’est une comédie que Moretti propose, il est admirablement servi par Michel Piccoli dans le rôle de ce Pape désemparé par son élection. On avait déjà il y a vingt ans écrit un petit livre plein d’humour : "Le Pape disparaît". Sur le ton de la légèreté, avec quelques longueurs (une partie de volley-ball organisé par Nanni Moretti lui-même, qui joue ici le rôle d’un psychanalyste), Moretti touche des question sérieuses : la lourdeur de cette responsabilité écrasante, de portée mondiale, sous les regards de millions de croyants fervents, l’évidence que les autorités dans l’Eglise restent des hommes avec leurs qualités et leurs limites, la nécessité pour l’Eglise de réaliser des changements pour être pleinement fidèle à sa mission dans le monde tel qu’il est. Jean XXIII aimait le mot "aggiornamento".
Le Pape interprété par Michel Piccoli, qui aime le théâtre comme l’aimait Jean-Paul II, ne se sent pas la capacité de porter une tâche si rude, il préfère se retirer, et ce film qui n’ a pas peur de la fantaisie se termine sur une note grave.


C’est avec un certain plaisir (depuis "Le Caïman", un peu décevant, on n’avait plus rien) mais aussi un peu d’appréhension (mettre pleins feux sur Le Vatican, gros risque, intéressant, mais susceptible de mettre en porte à faux Moretti, déjà mal vu par les berlusconiens...) que j’ai découvert son "Habemus Papam".
Un très bon point, c’est la présence de Piccoli, immense, impérial, à la fois force et faiblesse réunies dans un seul homme ! La mise en scène est somptueuse, voir la cérémonie des funérailles et l’inauguration du Conclave. Les cardinaux semblent plus vrais que nature, et la Place Saint Pierre, reconstituée à Cinecitta
est un plaisir des yeux. Le film réserve ses surprises : ce n’est pas une attaque ironique et désinvolte de l’ église catholique (Fellini s’en est occupé en son temps), mais plutôt une réflexion sur le pouvoir, plus exactement sur la prise de responsabilité à la tête d’une organisation qui fait la une de tous les médias, et qui est censée représenter un milliard de catholiques. Le pape nouvellement élu (à la satisfaction indécente des autres cardinaux trop heureux de se défiler) veut vivre sa vie, donner libre cours à son désir de théâtre, de liberté. C’est troublant, pourquoi cela n’arriverait pas aussi à un Président de la République, à un Premier ministre (français par-exemple...). Deux parties traitées en parallèle : l’aventure du Pape libertaire (applaudi par ses pairs dans un théâtre, précisément) ; l’auscultation d’un lieu fantasmatique, où se cachent des secrets inavoués. Merci Nanni Moretti pour la jubilation procurée !

Père Jacques le Fur