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Politist, Adjectiv (Policier, Adjectif)

Un Certain Regard
Politist, Adjectiv

Film : Roumain
Genre : Drame
Durée : 1h55
Date de sortie : Prochainement
Avec : Dragos Bucur, Vlad Ivanov, Cosmin Selesi
Réalisation : Corneliu Porumboiu

Cristi est un policier qui refuse d’arrêter un jeune qui offre du hachisch à deux camarades de lycée. Il pense que la loi va changer et ne veut pas avoir la vie d’un jeune homme sur la conscience. Pour son supérieur, le mot conscience a un autre sens.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Une version roumaine de l’Antigone de Sophocle. Roumaine, cela veut dire que la vie quotidienne dans la Bucarest postcommuniste délabrée remplace les Palais de la Grèce antique, et aussi que l’humour à froid supplante la poésie tragique. C’est bien cet humour corrosif , déjà présent dans tant de films roumains, qui donne le ton de cette oeuvre, qui sans lui pourrait paraître très lent. On suit longuement la filature d’un policier chargé de prendre en flagrant délit des jeunes lycéens qui fument du haschich. Pourquoi, se dit le policier, ce qui est dépénalisé dans toute l’Europe, et même en Tchéquie où il est allé en voyage de noces, conduit-il encore en prison en Roumanie ? On appréciera entre autres, comme notes de cet humour décalé, les leçons que sa femme lui distille sur la nouvelle orthographe roumaine, puis un long cours sur la conscience morale et sur la loi administré par son supérieur. C’est donc bien un regard narquois sur la Roumanie d’aujourd’hui qui nous est proposé par ce jeune cinéaste.


Le thème est peut être le pouvoir des mots, qui aboutit au pouvoir (oppressif) tout court. Voir la curieuse similitude de Police en roumain avec "politique" !
Un policier, Cristi, surveille étroitement un jeune homme. Nous assistons à une longue filature à travers les rues d’une cité quelconque, les murs sont gris sales, les gens sont tristes. La façade d’une maison, une voiture banale, un trou dans la chaussée, tout fait partie de rapports très détaillés, étayés par des enquêtes d’identité, des informations familiales. Il s’agit d’un groupe de trois jeunes, qui s’adonnent à l’héroïne, et, des trois, l’un des garçons donne des tuyaux à Cristi.
Le "travail" du flic finit par intriguer, il essaye d’identifier un quatrième personnage qui serait le donneur d’héroïne... Mais cela tarde et le commissaire s’impatiente et convoque Cristi et Nelu, le collègue de bureau. Or Cristi, pour des raisons de conscience, et parce qu’il pense que la loi va changer, ne veut pas que les jeunes soient arrêtés.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il y a beaucoup d’humour dans ce film, dès la séquence de la chanson populaire qu’ Anca, la femme de Cristi, va s’efforcer d’expliquer ! Métaphores, symboles, images : tout sera développé à un homme vraiment terre à terre, dont les remarques provoquent le rire !
Mais cette séquence nous introduit à celle qui forme le sommet du film : le travail de "maïeutique, mot prononcé par le commissaire, qui veut obliger Cristi à lire les rubriques du DEX (dictionnaire de l’Académie roumaine) pour les mots : "conscience", "loi", "morale" et "policier". Le commissaire veut convaincre Cristi qu’il faut déclencher une action de flagrant délit, pour mettre en prison les consommateurs de drogue, comme le permet la Loi. Se déroule alors un échange très intense où Cristi aura à se situer par rapport à des définitions froides et impersonnelles. Le commissaire sait habilement utiliser les mots (et leur inéviatble ambivalence) pour exercer une pression très forte sur Cristi, qui a si peu l’habitude de formaliser ses pensées. Le film se termine sur une séquence très ambigüe. L’action de flagrant délit est lancée, mais qui va la diriger ?


One needs to take good notice of the title, both words, otherwise some might expect all police whereas the really interesting part is adjective, since the film is concerned with words and language.
While there is a basic, slight plot about police work in Porumboius’ home town of Vaslui, most of the action (used loosely because much of it is long shots of Cristi, the central character, on surveillance) is in routine police work, checking information, writing reports and discussions with bosses.
Not heart-stopping or adrenalin-pumping action. No, this is routine work presented objectively, sometimes like an observing documentary, set in ordinary streets with ordinary people, rather than extras, passing by. One feels that this is entirely authentic.
But, one night when Cristi has a late supper and his wife is listening to a popular song on the internet (loudly), he questions the meaning of the lyrics, for example, ’what is a field without the flower ?’. He is generally an imagination-free policeman. The discussion moves to the meaning of images and symbols. Cristi doesn’t get it but, on going into the bathroom to clean his teeth, he realises ’what is a toothbrush without the toothpaste ?’ !
The culmination is Cristi’s meeting with the boss and his refusal to set up a sting on the unsuspecting student. It is a matter of conscience. The final scene, one long take, plays like a theatre piece with words and silences as the boss asks Cristi to define conscience and then demands a dictionary so that conscience can be looked up, then law, then morality and then police, so that Cristi will understand, if possible, the relationship between morality and law and the necessity of law prevailing over ’conscience’. And that is what we are left with.
An ’arthouse’ film that will please those who love language – and precision in language.

Père Jacques le Fur