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Ordinary people

Ordinary people

Film : Serbe, Français et Suisse
Genre : 1h20
Avec Relja Popovic, Boris Isakovic, Miroslav Stevanovic
Réalisé par Vladimir Perisic

Tôt le matin. Un bus avec sept soldats roule vers une destination inconnue. Parmi les passagers se trouve Dzoni, un jeune homme de vingt ans. Un bus s’approche, transportant des hommes blottis les uns contre les autres. Le commandant de l’unité explique à ses recrues que ces prisonniers sont les ennemis. Le groupe des sept soldats désoeuvrés qui meublaient tant bien que mal l’angoisse de l’attente, pressentent qu’ils vont bientôt passer à l’action...


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

De longs plans-séquence traduisent la chape de plomb qui piège à la fois les victimes et leurs bourreaux. Il fait chaud, c’est l’été, un temps pour aller à la pêche. La radio annonce l’état d’urgence et la chasse impitoyable des « terroristes » sur le même ton que les résultats du dernier match de foot.
Des gens ordinaires, déclarés ennemis, sont amenés en camion, ils marchent en rang avant d’être alignés et mis à genou, pour être abattus par des jeunes gens tout aussi ordinaires, transformés en soldats « par hasard », entre lycée et recherche d’un boulot.
Le coeur est lourd d’impuissance à désobéir à l’ordre donné, malgré une résistance initiale. Des bouteilles d’alcool sont mises à disposition pour abrutir les consciences.
Une seule victime refuse de se mettre à genou, il regarde ses bourreaux dans les yeux. Le jeune soldat, tout nouveau dans la troupe, enragé par ses scrupules, l’abat de quelques coups de crosse. A la fin de la journée, il a une ampoule dans la main à force de tirer.
Une réalité terrible.


Le thermomètre affiche 38° Celsus. Non ! pas 37°2 le matin : c’est l’après-midi, en Serbie. Et petit à petit -malgré ces 38°- vous sentez vos sangs se glacer ! C’est la guerre ? oui, mais encore…
Ordinaire. L’adjectif, dans le titre, pourrait laisser croire que l’on aborde là une certaine médiocrité. Mais il n’en est rien car rien n’est ordinaire dans ce film. Ni la bande son, le bruit de la vie : des pas, des automobiles qui roulent, des ablutions ; peu de dialogues : des ordres claquent, des coups de feu résonnent. Ni le cadrage, avec une alternance de plans serrés élargis aux seuls espaces verts et des plans fixes interminables –à priori incompréhensibles sauf si l’on montre la guerre loin de sa fureur- sans agitation. La voilà nue cette bataille, dénuée de tout pathos, aussi froide que l’air est chaud et dont les actions sont comme inéluctables bien que dictées par l’absurde.
Alors les êtres se meuvent difficilement. D’un côté ceux qui vont mourir, de l’autre ceux qui vont les tuer, sans s’y être préparés. Un chassé-croisé en clair obscur. « Et pourtant, vous étiez d’accord » leur assène-t-on. Car dans un corps de l’armée on exécute, les ordres et les gens : c’est dans l’ordre des choses. Aucune analyse politique n’est proposée, seule une réflexion devant susciter l’émotion. Et pour ce faire un invité plus qu’inopportun, le silence. Celui qui précède l’acte, celui qui le suit et tous les autres. Il n’y a pas de vides à remplir mais pas de réponse à donner non plus. On ne se disperse pas, on fait son travail : les gestes sont comme « millimétrés » pas un de plus, pas un de moins. Et si l’on y déroge, c’est à sa propre conscience que l’on a affaire quand d’autres gisent dans le pré, immobiles taches claires. C’était le plan de fin.
Le film est lent, certes, mais que représente le temps face à l’éternité de la mort ?