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A Casablanca, les anges ne volent pas

A Casablanca, les anges ne volent pas

Film italiano-marocain (2004).
Ifction.
Durée : 1h 37mn.
Avec Abdessamad Miftahalkhair, Abderrazzak el Badaoui, Laila el Ahiani, Rachid el Hazmir....
Réalisé par Mohamed Asli

Saîd est contraint de s’exiler à Casablanca malgré le refus de son épouse. Dans ses lettres elle le supplie de revenir auprès d’elle car Casablanca est une mangeuse d’hommes. Saîd travaille dans un restaurant avec Othman et Ismail. Saîd reçoit bientôt une lettre de sa femme l’exhortant à rentrer pour la naissance de son enfant. Pour les trois amis, rien ne va plus. Les problèmes prennent des ampleurs dramatiques. Casablanca est un leurre qui finit par avoir raison d’eux, A Casablanca les anges ne volent pas, seuls les vautours et les rapaces planent.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Au coeur de Casablanca, filmée sous tous les angles dans son quotidien urbain, trois hommes travaillent d’arrache-pied dans un restaurant. Chacun a en tête plus qu’un souci : l’un sa femme enceinte restée au bled, l’autre son cheval convoité par la boucherie et le troisième une question existentielle : acheter ou ne pas acheter cette paire de chaussures convoitée chaque jour mais équivalente à plusieurs mois de salaire. L’économie a brisé la famille et les rêves, la tradition, la solidarité et plus encore les espoirs. L’exposé de cette situation difficile vire au tragique et l’objet des désirs et des regrets de chacun est détruit. Aux plans larges de la ville, mais remplis jusqu’à l’étouffement, répondent les mêmes valeurs de plans qui dépeigent le dénuement, la pauvreté et l’abandon. Seul moment de bonheur : une superbe course de chevaux filmée toute en oblique digne des plus belles toiles de Delacroix. Inch’Allah !


Ce premier film de Mohamed Asli fait penser au film kurde "Le troupeau" lors des séquences tournées dans l’atlas marocain et en raison d’un de ses arguments. Il nous renvoie aussi à des films plus anciens, du néo-réalisme italien, pour les séquences à Casablanca, lorsqu’il nous montre la condition de ces hommes qui ont cru qu’en quittant le bled ils pourraient résoudre leurs difficultés et celles de leur famille. Leur vie laborieuse dans la capitale économique du Maroc leur permet de survivre et de subvenir très chichement aux besoins des leurs restés au village, mais c’est au prix d’une vie entièrement assujettie à l’activité du restaurant où ils travaillent et du patron qui les héberge. Ils caressent des rêves très divers qui permettent à Mohamed Asli d’aborder quelques-uns des problèmes de la modernisation : la fascination exercée par les biens de consommation dont l’acquisition est ruineuse (les chaussures en cuir), le renoncement à des aspects de la vie traditionnelle à travers lesquels s’exprimait la fierté d’exister (le cheval pour la fantasia), l’impossibilité de faire vivre sa famille en ville ce qui entraîne l’absence du père de la vie quotidienne de sa femme et de ses enfants mais aussi lors d’événements exceptionnels comme les naissances ou les deuils.
On peut trouver parfois trop longues ou trop démonstratives certaines séquences Mais le ton d’ensemble est émouvant et vrai. On sait gré au réalisateur de ne pas nous livrer un Maroc de carte postale touristique ni dans la montagne, ni en ville. On lui sait gré aussi de nous présentrer un couple qui vit une relation d’amour et non des rapports de domination.