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L’Histoire de Souleymane

Un certain regard
L'Histoire de Souleymane

Nationalité : France
Genre : Drame
Durée : 1h 33min
Date de sortie : 27 novembre 2024
Réalisateur : Boris Lojkine
Acteurs principaux : Abou Sangare, Nina Meurisse, Alpha Oumar Sow

Tandis qu’il pédale dans les rues de Paris pour livrer des repas, Souleymane répète son histoire. Dans deux jours, il doit passer son entretien de demande d’asile, le sésame pour obtenir des papiers. Mais Souleymane n’est pas prêt.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Boris Lojkine nous livre l’histoire de Souleymane : récit réaliste et poignant de la vie de ce courageux demandeur d’asile. Il est interprété par Abou Sangara, avec sensibilité. Il se lève tôt le matin, pédale toute la journée dans le bruit infernal de la circulation de Paris pour livrer des repas à domicile à des personnes plus ou moins accueillantes. Entretemps, il a les combines avec ses copains de misère. Le bus des migrants, le soir, les conduit dans un foyer avec, pour seul réconfort, l’amitié de certains. Sa vie est rythmée comme un métronome. Et il apprend par cœur et récite sur son vélo, telle une litanie « un texte tout fait » qui raconte son exil. C’est le seul sésame qui lui permettra de récupérer ses papiers de régularisation lors d’un entretien administratif.
Toutefois Souleyman a appris de sa mère qu’il ne fallait pas mentir ; alors sa seule survie dépendra de ce qu’il dira. La dernière image du film, éblouissante de lumière sur le visage de Souleymane, livrera l’issue de ce superbe long métrage.


Pour obtenir le droit d’asile en France, mieux vaut être un bon conteur. Souleymane, migrant venu de Guinée, l’a bien compris. Il tente d’apprendre par cœur les dates de l’histoire que lui a chèrement vendues un certain Barry. Ses jours et ses nuits sont rythmés par des parcours incessants aux quatre coins de Paris. La caméra du réalisateur Boris Lojkine le suit de près dans ses galères quotidiennes, occupé à livrer des repas pour gagner un peu d’argent et à courir après tous ceux susceptibles de l’aider dans sa demande d’asile. Souvent tourné de nuit et tambour battant, le film est prenant.
En 48 heures, Souleymane passe par toutes les émotions. Les nombreux gros plans sur son visage le montrent tantôt anxieux et stressé, tantôt rieur et détendu. C’est un personnage sympathique auquel on s’attache facilement. Empêtré dans ses mensonges, il manque de se perdre mais la vérité le libère finalement. Le soleil, se couchant sur une journée cruciale pour lui, illumine alors son visage d’un halo chatoyant.
Emporté par l’émotion d’un tonnerre d’applaudissements, après la première projection à Cannes, Abou Sangaré, ne pouvait retenir ses larmes. Il a depuis reçu le Prix Un Certain Regard du Meilleur Acteur pour son rôle de Souleymane.


Caméra à l’épaule, les plans se succèdent à un rythme accéléré pour marquer la cadence infernale des journées de Souleymane et les dangers de sa course à vélo dans Paris. Il y a quelque chose du Sorry We Missed You de Ken Loach dans le regard que porte Boris Lojkine sur sa vie, tiraillée entre travail ubérisé, préparation d’un rendez-vous crucial, faux amis qui lui vendent des conseils foireux et contraintes horaires pour éviter de passer une nuit sous les ponts.

Le récit atteint clairement son apogée dans l’entretien qui permettra à l’administration de statuer sur son avenir en France. Très documenté, l’échange avec l’officière de protection est représentatif du fonctionnement de notre institution : quelques questions suffisent. Lorsque la vérité de son histoire surgit enfin, il nous est donné de vivre un de ces moments d’exception que le cinéma peut offrir : une histoire bouleversante, racontée par un acteur qui a vécu cela, il y a quelques années. Il possède une présence inouïe devant la caméra et son visage reflète avec subtilité les émotions qui le traversent.

Parmi les nombreux films que le cinéma offre sur les migrants, l’histoire de Souleymane s’avère l’un des plus accomplis, instructif de surcroît.