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Flandres

Sélection Officielle
Flandres

Film : Français.
Genre : Drame.
Durée : 1h31min.
Date de Sortie : 30 Août 2006.
Avec : Samuel Boidin, Adélaïde Leroux, Inge Decaesteker.
Réalisé par : Bruno Dumont.

De nos jours, dans les Flandres, Demester et de jeunes gars du pays partent soldats dans un conflit lointain. Amoureux de la jeune Barbe, Demester supportait ses moeurs étranges et ses amants.
Attendant les soldats, seule en Flandres, Barbe dépérit. Face à ce conflit, Demester se transforme en guerrier. Tragiquement, la guerre exacerbera les sentiments et les liens de ces deux êtres, les menant aux extrémités de leur condition.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Chez Bruno Dumont, un homme ne fait pas l’amour à une femme : il la travaille. Non pas forcément qu’il n’y ait pas d’amour authentique. Mais son expression reste emprisonnée à l’intérieur des coeurs comme dans une gangue. Ici les êtres sont semblables au pays d’où ils sont nés. Un pays à la Verhaeren, avec un ciel bas, gris, pesant, avec une terre lourde, boueuse, où les bottes enfoncent.. Mais, veut sans doute dire Bruno Dumont, une terre qui, sous son abord inhospitalier, est fertile et riche des moissons à venir.
La moisson ici, ce sera les derniers mots du film, ne disons pas leur contenu. Mais quels déserts à traverser, quel calvaire à gravir pour en arriver là ! Images dures, silences interminables et que ne vient adoucir aucune musique, scènes d’une violence sèche et terrible... Bruno Dumont n’a pas changé depuis "l’Humanité". La vision qu’il donne de celle-ci est toujours aussi désespérée.


Bruno Dumont confirme avec ce 4ème film qu’il est un cinéaste de grand talent, puissant et original. Après un détour, moins convaincant, aux Etats-Unis ("Twenty nine palms"), il revient à son pays natal, les Flandres, il continue à creuser son sillon. Il sait montrer une humanité charnelle, terreuse, lourde, des hommes et des femmes aux réactions presque animales, aux pulsions sexuelles violentes, joués par des acteurs non professionnels. Projetés dans la guerre, dans un désert sans nom, symbole de toutes les guerres de la fin du XXème siècle, trois de ces hommes sont affontés à la violence, à la barbarie, au viol, à la lâcheté, tout cela présenté sèchement, brutalement, dans des paysages grandioses qui accusent plus encore l’inhumanité des scènes. Tableau très sombre d’une humanité restée primitive. Mais Bruno Dumont, comme les frères Dardenne, comme Kaurismäki, ne peut s’empêcher de terminer sur une confession ("Je suis un salaud") et sur une réconciliation entre l’homme et la femme. Certains en sont choqués. Les schémas chrétiens sur la vie humaine seraient-ils donc si vivaces ? Où donc se cache la vérité de l’homme ?


Terre (du Nord) à terre (du Sud)
Avec son goût pour une mise en scène radicale construite sur de longs plans fixes, Bruno Dumont nous propose un film récurrent sur le silence d’un homme-bête. Avec son allure fruste, l’acteur principal, qu’on devine non-professionnel, incarne à merveille ce personnage dans toute sa bestialité. Ne connaissant que le travail à la ferme, ses bêtes et le troquet du coin, il ne sait pas communiquer et est dans l’incapacité de formuler l’amour qu’il porte à son amie d’enfance. Il la consomme vite fait comme un verre de bière et lorsqu’il se retrouve soldat il décuple de violence, viole et assassine sauvagement pour survivre. Toutes ces scènes, filmées au rasoir, nous surprennent et nous explosent au visage. Terminant son film sur les blés de l’été, Dumont fait enfin murmurer des mots d’amour à ce sauvage devenu homme. Une initiation douloureuse.


A conversation with Bruno Dumont might prove a difficult feat. His films are frequently raw and, despite the title of his most famous film, he does not portray a great deal of humanity on screen. At least, not in the humane sense. Humanity, for him, seems to be harsh and mundane. His characters seem to lack a moral basis for their lives and behave brutally.
This is especially true of Flanders (where Dumont himself grew up). Thirty minutes of introducing a limited and not particularly interesting group of young men and women from the farms of the region is hard going. It is best, however, to keep at least one eye on the screen in case anything happens.
Then the men go to an unnamed, symbolic, war, filmed in Tunisia which could stand in for Afghanistan or Iraq. The strategies, tactics and action we see make little ‘realistic’ sense. However, the French squad behave despicably : shouting and cursing brutally, shooting and bashing and, appallingly, raping. And then vengeance is wreaked on them.
The final scenes back in Flanders seem to be bereft of any hope - until some glimpses in the final moments.


Les cieux et les fronts sont bas en Flandres, mais nous sentons bien que les habitants de ce pays ne sont que la métaphore de l’humanité ! En une oeuvre dense, rugueuse, rageuse et qui ne se soucie pas de plaire, le réalisateur nous montre combien les antiques pulsions de cette humanité fruste, grossière, brutale, n’ont pas changé qui restent le viol et le meurtre. Au delà de ce constat cru mais authentique, parfois à la limite du supportable mais jamais complaisant, la compassion saisit pourtant le cinéaste, blessé devant ce fardeau qui écrase l’espèce humaine. On ne décèlera aucune concession, aucun esthétisme dans une mise en scène brute mais transparente et d’une très grande force, dans laquelle la spiritualité comme dessinée en creux s’exprime paradoxalement à travers l’inquiétude même du réalisateur et le regard qu’il porte sur cette humanité perdue. Et s’il ne laisse à aucun moment entendre qu’un quelconque Dieu pourrait représenter un recours, sa foi en la solidarité de homme envers l’homme éclate cependant lorsqu’à la fin du film Barbe et Demester dévastés s’appuieront l’un sur l’autre.