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Il Caimano (Le Caïman)

Sélection Officielle
Le Caïman

Film : Italien.
Genre : Comédie.
Durée : 1h52min.
Date de Sortie : 22 Mai 2006.
Avec : Jasmine Trinca, Silvio Orlando, Michele Placido.
Réalisé par : Nanni Moretti.

Producteur en faillite professionnelle et sentimentale, Bruno Bonomo, ayant beaucoup lutté contre la "dictature" du cinéma d’auteur avec ses films de série Z, n’arrive pas à financer une nouvelle superproduction fauchée, "Le Retour de Christophe Colomb".
Empêtré dans ses dettes, ses faiblesses, son mariage en fin de course, ses enfants sans repères, Bruno perd pied. Son chemin va croiser celui d’une jeune réalisatrice qui lui apporte un scénario, "Le Caïman". Il s’aperçoit bientôt qu’il s’agit d’une biographie de Berlusconi.
Il doit monter l’affaire, trouver l’acteur principal tout en essayant de recoller les morceaux de son couple. Commence alors à naître en lui un nouvel élan vital : celui de l’affirmation de sa dignité. Comme par enchantement, ce faiseur de navets va se battre avec pour seules armes les convictions d’une cinéaste débutante et ses ultimes biens matériels.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Le film de Nanni Moretti va dérouter. On l’a tellement annoncé comme un film anti-Berlusconi. C’est beaucoup plus que cela. On est à mille coudées au-dessus d’un pamphlet style Michael Moore. Avec Nanni Moretti, il s’agit d’une oeuvre complexe, aux nombreuses ramifications. Le film commence comme une comédie à l’italienne, animé par l’acteur Silvio Orlando, à la manière excessive de Roberto Benigni, interprétant un producteur de cinéma au bout du rouleau à tous points de vue. Mais, comme toujours chez les grands comiques, de Chaplin à Woody Allen, la comédie débouche rapidement sur les grandes questions de l’existence humaine. Le producteur, sans doute maladroit et excessif, se révèle être un être humain bouleversé par la rupture avec sa femme et l’attachement à ses deux enfants. Et puis, lorsqu’il s’agit du film sur le caïman, Moretti prend de la hauteur et s’écarte du champ proprement politique. Ce sont toutes les faussetés et les trahisons de la société actuelle et de la vie humaine qu’il dénonce. Le fait que Berlusconi soit interprété successivement par trois acteurs différents, sans compter les images d’actualité, laisse entrevoir la complexité du rapport du film à la société italienne. Et c’est Nanni Moretti lui-même qui interprète le personnage dans la dernière séquence, ce qui invite plus encore à prendre distance et à réfléchir. Peut-être trouvera-ton quelques maladresses. Mais Moretti réaffirme le cinéma comme un langage original, apte non seulement à dénoncer les aberrations d’un système politique, mais susceptible surtout de retrouver, par la justice, la morale, et l’art, la vérité et la dignité de tout homme.


Ne vous attendez pas à un docu-fiction au vitriol sur Berlusconi. Nanni Moretti nous sert beaucoup mieux que cela : une pièce montée en forme de Woody Allen à l’italienne avec en ouverture une séquence burlesque digne du meilleur comique américain. Bruno, héros négatif, réalisateur et mari paumé est la métaphore et le produit des scandaleuses et débilitantes années Berlusconi(l’Italietta). Au bout du rouleau , il ment du rêve à bon marché aux spectateurs comme à ses enfants. Lorsqu’il croise Térésa et son scénario sur le Cavaliere, un sursaut de dignité et de vitalité lui permettra de faire son film et de se comporter en père responsable. Il faut souligner la fantaisie drole qui irrigue l’oeuvre et les références au comique de Dino Risi et à la magie fellinienne- merveilleuse séquence de tournage à Cinecitta où des indiens s’avancent derrière une caravelle géante : jubilatoire !


For several years, Nanni Moretti (La Stanza del Figlio, Caro Diario) has been on public record as taking a stand against Silvio Berlusconi. He had been preparing a documentary on him but moved to this narrative which combines making a film about Berlusconi with a final critique of the man, his policies and his destructive influence on Italy and Italian politics.
It all starts out as a story about a low-budget director who is on the rocks and gets the opportunity to make a film which turns out to be this political expose. The domestic side of the story is very well handled even though it is also about divorce. Silvio Orlando is completely persuasive as the director but even more persuasive(!) as a caring and loving father. He has some wonderful scenes with his screen children.
The ups and downs of making the film are both humorous and exasperating. Michele Placido does a wonderful spoof of a vain film star who agrees to play Berlusconi and then pulls out for specious reasons.
It all gets rather serious when the film finally gets made with Moretti himself coming in to play the politician on trial - building up to a damning indictment. For Italians an emotional response. Outsiders can observe with interest - and with reflections on how European politicians from other nations sided with or against Berlusconi.


Portrait d’un looser boosté par un sursaut de dignité ? Sans doute, et c’est le premier niveau de ce film qui met en scène Bruno, un producteur de cinéma à la vie professionnelle en chute libre et à la vie familiale passablement abîmée, et qui, se dégageant de ces ruines, aura le courage de réaliser un projet qu’il n’avait jamais seulement imaginé : la production d’un film politique consacré à Berlusconi.
Mais au delà de ce contenu manifeste, Bruno est la métaphore, selon Moretti, des Italiens et de l’Italie d’aujourd’hui - "une Italie d’opérette" - et traduit l’espoir du réalisateur de voir son pays se réveiller et redevenir maître de son destin. Premier degré et métaphore se rejoignent d’ailleurs dans le film ultimement produit par Bruno, et qui montre Berlusconi conduit au procés qu’il évite depuis des années. Là, c’est Moretti lui-même qui joue le rôle de Berlusconi. Façon on ne peut plus claire de signifier la reprise en main.

Père Jacques le Fur