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La moustache

La moustache

Film français (2004).
Comédie dramatique.
Durée : 1h26mn.
Date de sortie : 06 Juillet 2005
Avec Vincent Lindon, Emmanuelle Devos, Mathieu Amalric, Hippolyte Girardot, Cylia Malki...
Réalisé par Emmanuel Carrère

"Qu’est-ce que tu dirais si je me rasais la moustache ? demande Marc à Agnès. Je ne sais pas. Je t’aime avec mais je t’ai jamais connu sans." Elle sort un moment faire des courses, le laissant devant le miroir de la salle de bain. Et il le fait. Comme ça : par jeu, pour voir la tête qu’elle fera, pour changer un petit quelque chose dans leur vie heureuse et sans histoire.
Elle rentre et ne fait aucune remarque. Le plus drôle, c’est qu’elle a vraiment l’air de ne rien remarquer. Les autres non plus. Amis, collègues de travail le lendemain, personne ne remarque rien.
Marc se retrouve donc seul contre tous, seul convaincu que jusqu’à la veille il portait une moustache, seul à la voir sur ses photos. Etre seul contre tous à croire, à voir, à se rappeler quelque chose, ça s’appelle être fou. Alors quoi ? une farce collective ? un complot ?


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Avec ce premier film de fiction, le réalisateur nous invite à assister à un jeu subtil entre les apparences et la réalité. Le scénario part d’une idée très simple : il peut se passer des choses incalculables quand les gens de votre entourage quotidien ne remarquent pas un changement important à vos yeux ! par-exemple pour un homme, de se couper la moustache (pour une femme, de changer de coiffure ?). mais le plus dur, c’est d’entendre votre conjoint vous affirmer qu’il n’ y a rien de changé !!

La lente mais apparemment inexorable descente aux enfers de Marc, incarné par Vincent Lindon (magnifique), finit par nous fasciner, tant il peut nous paraître crédible et proche. Evidemment, le cinéaste met les spectateurs du côté de Marc. Nous voyons ce qu’il voit, par-exemple des photos de lui où il portait la moustache ! Mais sa femme (Emmanuelle Devos) remarque les différentes incongruités de son mari et en arrive à nous faire douter de son intégrité psychologique..

Ce jeu des images visant à nous faire perdre notre propre jugement, n’est-ce pas la force du cinéma ? Pour moi, Emmanuel Carrère y est très bien arrivé ! Le tout, c’est évidemment c’est de faire un peu confiance à l’auteur du film...


Que tous les porteurs de moustache y regardent à deux fois avant de se séparer de cet ornement viril ! Pour ne pas s’être avisé des motivations inconscientes de ce geste apparemment anodin et ludique, le héros de cette histoire, -que n’aurait désavouée ni Gogol , ni Marcel Aymé, ni Kafka-, va voir, -du seul fait qu’aucun de ses proches ne s’ aperçoit (ou ne veut s’apercevoir ?) de cette modification de son image- sa vie basculer dans une inquiétante étrangeté, ce qui le mènera au bord de la folie. Mais au fait qui est le plus déjanté ? Est-ce Marc -Vincent Lindon hagard-, qui finira, à la recherche de son moi, par tourner en rond sur une musique répétitive de Philip Glass, dans un Hong-Kong où personne ne le connait ? est-ce sa femme Agnès -Emmanuelle Devos séductrice et faussement ingénue- qui remettrait ainsi son couple en question ? ou est-ce le spectateur qui finit par se demander s’il n’est pas lui même mystifié par les subtiles variations psychologiques de ce splendide exercice de style, dont nous fait cadeau en souriant Emmanuel Carrère.