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L’image manquante

Un Certain Regard
L'image manquante

Nationalité : Cambodgien, Français
Genre : Documentaire
Durée : 1h30min
Date de sortie : Prochainement
Réalisateur : Rithy Panh

"Durant de nombreuses années, j’ai recherché l’image manquante : un cliché pris entre 1975 et 1979 par les Khmers Rouges, alors qu’ils étaient à la tête du Cambodge... A elle seule, bien sûr, une image ne peut pas prouver un génocide, mais elle nous incite à réfléchir, à méditer, elle écrit l’Histoire. Je l’ai cherchée en vain dans les archives, les vieux documents, dans la campagne cambodgienne. Aujourd’hui, c’est une image manquante. Donc je l’ai créée. Ce que je vous propose aujourd’hui, ce n’est pas une image ni même la recherche d’une image unique, mais l’image d’une quête : une quête que seul le cinéma nous permet d’entreprendre".


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Devant un tel sujet, j’ose à peine le dire : c’est du grand art ! C’est à dire une maîtrise admirable de la transmission de ce qui est à dire. Rithy Panh reconstitue l’histoire du cauchemar qu’ont vécu les Cambodgiens pendant les quatre ans du pouvoir Khmer rouge, histoire que lui-même a vécue jeune adolescent et qu’il peut raconter, au contraire de son père, sa mère, ses soeurs, son frère... et plusieurs millions d’autres. Mais de cette histoire, la vraie, n’existe pas d’image - sauf celles de la propagande khmer rouge - et il a donc construit pour nous cette image manquante.

Le grand art, c’est d’avoir fait cela à l’aide de quelques centaines de figurines de terre peintes - pensez aux santons de Provence, mais en plus simple, quelques modèles reproduits en grand nombre - qu’il met en scènes fixes pour illustrer tout au long du film le discours en voix off du narrateur : la capacité de visualisation de ce dispositif est très efficace. Réapparaissent ainsi, notamment, les membres de sa famille et lui-même, au milieu d’une foule de personnages qui perdront leurs couleurs à mesure que s’appesantit la chappe mortelle imposée par les innombrables gardiens tout de noir revêtus. Ces figurines jouent sur deux registres : par leur rusticité, leur pauvreté, leur fragilité, elles évoquent la cruauté fondamentale du sujet du film ; mais, restant des jouets et des représentations irréelles, elles nous permettent en même temps de garder avec ce sujet autrement insoutenable une distance protectrice. En complément, quelques images d’archives ou actuelles.

Rithy Panh n’utilise guère le cinéma pour autre chose que pour établir la mémoire de ce qui s’est passé alors et là-bas : il mérite notre reconnaissance pour le faire, et notre admiration pour la manière.