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Altiplano

Semaine de la Critique
Altiplano

Film belge, allemand, néerlandais
Genre : Drame
Durée : 1h 50
Avec Magaly Solier, Jasmin Tabatabai, Olivier Gourmet
Réalisé par Peter Brosens, Jessica Woodworth

Grace, photographe de guerre anéantie après un violent incident en Irak, décide de renoncer à son métier. Max, son mari belge, chirurgien spécialiste de la cataracte, travaille dans une clinique des yeux dans les andes, au Pérou. Non loin de là, les villageois de Turubamba succombent à des maladies causées par des écoulements de mercure provenant de la mine locale. Ignorant la véritable cause de l’épidémie, les villageois tournent leur colère contre les médecins étrangers et, à l’occasion d’une rixe, Max est tué.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Film-pamphlet, mais aussi film-poème. De la violence d’une scène d’assassinat en Irak (photographiée) à un problème de contamination dûe au mercure qui s’échappe des mines sur un plateau des Andes péruviennes aux conséquences dramatiques sur la population (filmée), l’ histoire éminemment tragique est exprimée avec beauté et lyrisme par les deux cinéastes. L’image, qu’elle soit photographie ou film vidéo, doit elle restituer le monde et dans quelles limites ? Mais ceci n’est qu’un aspect de l’oeuvre. Le film commence par une cérémonie étonnante avec la statue de la Vierge qu’une foule andine en transe vénère. La chute accidentelle de la statue va préluder à une suite de malheurs. La mort du fiancé de Saturnina provoquera des troubles dans cette zone, car sa mort s’ajoute à bien d’autres. Le christianisme se mêle aux croyances ancestrales qui reste très en lien avec la nature et sa force sacrée. Les médecins d’une ONG qui soignent la cataracte, mais est impuissante devant l’épidémie, est mise à mal et expulsée. Le sacrifice de Saturnina devant le caméscope d’un médecin est un moment de grande émotion. Le film se termine sur un rituel de baptême où se mêlent les croyances, apportant la paix de l’âme.


La Semaine de la Critique se termine en beauté. Un film qui recherche constamment de belles images, un film qui prend son temps, qui choisit d’être contemplatif et poétique, pour nous entraîner à la rencontre d’une autre culture, celle d’Indiens de l’Altiplano, au pied des montagnes, dans un pays non précisé d’Amérique Latine. C’est une des grandeurs du cinéma de conduire ainsi à la rencontre d’autres cultures. Tout commence par une Procession solennelle à la Vierge, filmée lentement. Ces Indiens ont été extérieurement christianisés, en réalité les vraies références restent traditionnelles, les esprits des montagnes, les rites anciens avec l’eau ou la glace, la Terre-Mère, la lune et le soleil. Mais le film est consacré au choc avec la civilisation occidentale qui survient : dans son aspect positif, les médecins qui viennent soigner la cataracte (beau rôle d’Olivier Gourmet), mais surtout dans ses aspects négatifs, la recherche de l’or et le mercure, source de contamination, de maladies et de morts. Comme dit un vieil Indien : " Là où il y a des mines, le diable n’est jamais loin." Le scénario est peut-être parfois bancal, le recours aux symboles (on pense à Tarkovski), parfois trop appuyé, mais le film impose un style, une beauté, une dignité sur un des grands problèmes de notre temps : la puissance destructrice d’une civilisation reposant sur l’exploitation.