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Huacho

Huacho

Film chilien, français, allemand
Genre : drame
Durée : 1h29
Avec : Clemira Aguayo, Alejandra Yáñez, Cornelio Villagrán
Réalisé par Alejandro Fernández Almendras

Une longue journée à la fin de l’été, quatre membres d’une famille paysanne du sud du Chili ont du mal à s’adapter au monde toujours changeant qui les entoure. Un monde où un jeu vidéo ou une nouvelle robe peuvent être aussi précieux qu’un litre de lait ou un verre de vin. Un monde nouveau, globalisé où les frontières entre tradition et modernité s’effacent et où les valeurs se transforment rapidement.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Voici un premier film d’une sobriété et d’une authenticité rares, qu’on a plaisir à recommander. Une journée d’une famille de paysans, dans une campagne perdue du Sud du Chili. Aucun événement marquant, et pourtant on participe avec intensité à la vie de ces quatre personnes, qu’on suit l’une après l’autre : la grand’mère, première debout, qui nourrit ses poules puis part vendre ses fromages à des touristes qui passent sur la route ; le petit garçon, qui doit partir au collège de la ville, où il a du mal à être accepté par ses copains, qui le traitent de paysan ; la mère et ses soucis d’argent, qui provoquent une coupure d’électricité ; et enfin le grand-père, qui continue à travailler dans les champs et raconte inlassablement les histoires de son passé. Tout sonne juste, modeste, vrai, le réalisateur est manifestement proche de ses personnages, on pense à Raymond Depardon en totale empathie avec les paysans des Cévennes. Ici aussi, une qualité de lumière, une attention aux détails, la précision de l’observation font surgir un monde qui est bien d’aujourd’hui tout en plongeant ses racines dans le passé. Evoquer avec tant de noblesse la vie d’êtres humains si modestes et si dignes, c’est une des grandeurs du cinéma.


Manuel collégien, Alejandra sa mère, Clemira et Cornelio ses grands-parents : des paysans du sud de Santiago du Chili, qui ont bien du mal à joindre les deux bouts. Un minuscule et pauvre logement les serre les uns sur les autres, mais un monde sépare d’une part Clemira, qui fait des fromages vendus au bord de la route, ou le vieux Cornelio, inquiet du temps qu’il met désormais à enclore ses vaches, et d’autre part Manuel, pour qui la vraie vie consiste à être admis, lui paysan méprisé, dans les groupes de jeux vidéo qui passionnent ses condisciples plus urbains et plus aisés. Entre eux, Alejandra, employée pour un trop petit salaire dans une maison d’hôtes, et que le besoin de quitter l’univers sans avenir des vieux paysans entraîne dans des obligations de dépenses dont elle n’a pas les moyens, par exemple le collège à uniforme et cravate où va Manuel.
Ce thème rebattu de la difficile transition du vieux monde rural, où l’effort offrait la solution à bien des problèmes, à une nouvelle société modelée sur la ville, et dans laquelle l’argent est la clé incontournable, est traité ici par petites touches et détails signifiants, dont l’accumulation finit par construire un tableau d’une grande justesse et sensibilité. Mais le réalisateur a pris un risque : il faut accepter près d’une heure de scènes très quotidiennes, sans drame ni passion ni rires, pour que le sens de ces illustrations paisibles émerge et révèle sa richesse. Dans ses propos d’après projection, Almendras revendique ce choix délibéré : « J’ai fait ce film pour eux qui restent jusqu’au bout, par sincérité et respect envers ce que je crois et aime. »

Père Jacques le Fur