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Le Silence de Lorna

Le silence de Lorna

Pays : Belgique
Genre : Drame
Durée : 1h45
Date de sortie : 10 Septembre 2008
Avec : Arta Dobroshi, Jérémie Renier et Fabrizio Rongione
Réalisateur : Jean-Pierre et Luc DARDENNE

Pour devenir propriétaire d’un snack avec son amoureux Sokol, Lorna, jeune femme albanaise vivant en Belgique, est devenue la complice de la machination de Fabio, un homme du milieu. Fabio lui a organisé un faux mariage avec Claudy pour qu’elle obtienne la nationalité belge et épouse ensuite un mafieux russe prêt à payer beaucoup pour devenir belge. Pour que ce deuxième mariage se fasse rapidement, Fabio a prévu de tuer Claudy. Lorna gardera-t-elle le silence ?


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Les frères Dardenne ont toujours été des moralistes, depuis leur premier film, "La Promesse" ; mais attention, au grand sens du mot : c’est dire qu’ils s’intéressent à l’humain en ce qu’il a d’essentiel, de constitutif, y compris dans les situations extérieurement les plus délabrées, les plus loin de "la morale". Ici, des étrangers en Belgique sont pris dans des mariages blancs, des réseaux mafieux prêts à tout pour gagner de l’argent. Mais l’impératif le plus ancien : "Tu ne tueras pas", resurgit toujours, déjà dans les films précédents, ici dans la conscience de cette jeune femme à qui un mariage blanc avec un drogué a donné la nationalité belge. Elle ne peut supporter la perspective d’un meurtre, même si cela doit lui rapporter beaucoup d’argent et lui permettre de réaliser son rêve. L’influence du philosophe Levinas, que les Dardenne citaient dans leur livre, est présente ici : face à ce drogué, qui n’est qu’une loque humaine, elle ne peut s’empêcher de l’aider d’abord, de le regarder ensuite, et alors de s’attacher à lui. Prise dans une bande de trafiquants, folle amoureuse d’un compatriote albanais, elle s’en détache finalement dès lors qu’elle est enceinte, et qu’elle s’attache à cette vie nouvelle qui germe en elle.
Sans doute moins radical dans son écriture et son style frénétique que "Rosetta", moins intense dans son épure que "Le Fils", ce film, comme "L’enfant"", se recommande toujours par la qualité de sa réalisation, un scénario bien mené, qui reste ouvert, et une grande noblesse dans la présentation de ces personnages si fragiles. C’est l’honneur du cinéma que de continuer à proposer de tels films.


The Dardennes Brothers make a film every three years, so this is their fourth in a decade, two of which Rosetta and L’Enfant won the Cannes Palme d’Or and the other, Le Fils, was very well received.

The previous films were full of movement, the camera following the characters around at very close range. This time the camera remains still for much of the time giving the film a sense of classical realism. It is a fine film.

The setting is Liege, typifying a large city in the contemporary European Union where Belgian identity cards are of great value to migrants (legal and not) from Eastern European countries. Gangs set up fraud schemes, especially through marriages to citizens for a large down payment. This is Lorna’s world. Already married to a local heroin addict, her boss plans for him to die of an overdose so that Lorna can marry a wealthy Russian who wants legal entry into Belgium. Meanwhile she and her lover, an international truckdriver, plan to open a bar with the money.

Despite the tough line taken by the taxi-driving gang boss, Lorna does not follow the plan in detail. She would prefer her temporary husband to live. This leads to a sense of pity and changes her relationship with him even as divorce papers come through. The plan becomes untangled and Lorna withdraws more into herself and her fantasies.

Kosovo actress, Arta Dobroshi, brings great presence, beauty, toughness and pathos to the role of the contemporary migrant. And Jeremie Renier who worked for the Dardennes in Rosetta and was the callous young father in L’Enfant gives a believable and evocative portrayal as the addict. The boy who was Le Fils, Morgan Marinne, appears as the boss’s subservient but violent sidekick.

Once again, the Dardennes bring their sense of humane realism to significant social issues.


Le silence de Lorna c’est d’abord celui d’une jeune femme entièrement tendue vers son but : gagner suffisamment d’argent pour ouvrir un snack avec son ami albanais. Tous les moyens sont bons et son junkie de mari, épousé pour obtenir la nationalité belge, n’est qu’un pion sur l’échiquier. Elle ne sort du silence que pour refuser sèchement ce qu’il demande. Mais lui, parle, essaie d’établir une communication avec celle qui partage son appartement mais pas sa vie. Et surtout il implore son aide, il l’appelle au secours, pour l’aider à sortir de son assujettissement à la drogue. D’abord fermée à ces appels, incrédule sur leur sincérité, elle cède peu à peu, consent à l’aider et commence à croire à sa détermination. Ce qui l’amène à proposer un plan de substitution, pour le sauver. Elle ira même jusqu’à s’offrir à lui pour l’arracher à l’emprise des dealers. La mort de Claudy sera pour elle un véritable deuil. Elle s’enfermera alors dans un autre silence, encore plus lourd, fait du refus de persévérer dans ces plans mafieux et d’un fort sentiment de culpabilité. De ce silence elle ne sortira que pour s’adresser à l’enfant de Claudy qu’elle croit porter. Ce dialogue avec un non-vivant est sans doute pour elle le moyen de prolonger la vie de celui qu’elle n’a pas réussi à sauver. Le film nous présente le cheminement intèrieur de Lorna avec une particulière sobriété. Et si sa dureté première se fissure c’est bien parce qu’elle consent à entendre les appels au secours de Claudy.

Père Jacques le Fur