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Un Conte de Noël

Un conte de Noël

Pays : France
Genre : Drame
Durée : 2h30
Date de sortie : 21 mai 2008
Avec : Mathieu Amalric, Catherine Deneuve, Anne Consigny, Jean-Paul Roussillon, Emmanuelle Devos
Réalisateur : Arnaud Desplechin

À l’origine, Abel et Junon eurent deux enfants, Joseph et Elizabeth. Atteint d’une maladie génétique rarissime, le petit Joseph fut condamné à subir une greffe de moelle osseuse. Sa sœur étant incompatible, ses parents conçurent un troisième enfant, Henri, dans l’espoir de sauver Joseph. Mais Henri, lui non plus, ne pouvait rien pour son frère - et Joseph mourut à l’âge de sept ans.
Noël approche. Toute la famille se réunit pour trois jours dans la grande maison parentale à Roubaix...


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Arnaud Desplechin persiste et signe. Et creuse encore plus profond la veine déjà ouverte avec "Rois et reine" : celle de la transmission entre générations à l’intérieur d’une famille. Plus précisément, il pointe ici les failles qui fissurent le métal de cette transmission ou les grains de sable qui se glissent dans ses rouages. Grains de sable d’abord génétiques : il s’agit de la maladie de moelle osseuse inscrite dans l’hérédité de cette famille ; ayant frappé autrefois le petit Joseph, elle atteint maintenant sa mère, Junon, impose une greffe à partir d’un donneur, et pousse ainsi à une solidarité biologique les membres d’une tribu Julliard passablement désunie. Mais ces grains de sable biologiques se révèlent aussi la métaphore physiologique d’autres grains de sable, psychologiques ceux-ci, qui se traduisent par tout un faisceau de tensions fragilisant les liens interfamiliaux et ayant provoqué la rupture de certains d’entre eux. Desplechin construit ainsi un superbe édifice à deux étages qui se répondent en miroir, l’un basé sur les dépendances biologiques, l’autre sur leurs conséquences psychologiques et symboliques. Avec une fin ouverte où ces deux niveaux se rejoignent : l’acceptation par Henri, le "mouton noir" de la famille, de donner sa moelle pour soigner sa mère, signifie-t-elle que la "greffe" de la réconciliation est en train de prendre ?


Voici le film le plus ambitieux d’Arnaud Desplechin, et par sa longueur, et par l’ampleur des thèmes abordés. Bien sür au coeur du film sont les tensions à l’intérieur d’une famille, une grande famille du Nord, la mère Catherine Deneuve) qui n’a jamais aimé son fils, une soeur (Anne Consigny) qui refuse désormais de voir son frère (Matthieu Amalric). Mais surtout à l’arrière-plan une multiple présence de la mort et du deuil, comme souvent chez Desplechin : le film commence au cimetière, pour l’enterrement du fils aîné, on découvre à la mère une maladie incurable. La maladie, physique ou psychologique, est très présente, la complexité des sentiments amoureux aussi (deux beaux rôles pour Chiara Mastroianni et Emmanuelle Devos). Tout se joue autour de la fête de Noêl, ce qui introduit aussi un aspect religieux (la belle Faunia, qui est juive, repart avant la fête). Et puis toujours discrétement présente, une réflexion radicale sur ce qui pourrait donner sens à la vie : "Nous ne sommes pas des chercheurs de connaissance".
La réalisation est brillante, très enlevée malgré la longueur, servie par une distribution excellente, le meilleur étant peut-être dans le rôle du vieux père réfugié dans la musique le remarquable Jean-Paul Roussilllon. Un grand film, peut-être desservi par sa trop grande ambition, qui lui donne une note parfois artificielle.