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Trei Kilometri Pana La Capatul Lumii

Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde
Compétition Officielle
Trei Kilometri Pana la Capatul lumii

Nationalité : Roumanie
Genre : Drame
Durée : 1h 45min
Date de sortie : Prochainement
Réalisateur : Emanuel Parvu
Acteurs principaux : Bogdan Dumitrache, Ciprian Chiujdea, Laura Vasiliu

Adi, 17 ans, passe l’été dans son village natal niché dans le delta du Danube. Un soir, il est violemment agressé dans la rue. Le lendemain, son monde est entièrement bouleversé. Ses parents ne le regardent plus comme avant et l’apparente quiétude du village commence à se fissurer.


(L'avis exprimé par les rédacteurs de cette rubrique est indépendant du travail et des choix du Jury oecuménique.)

Le vent souffle doucement dans la campagne du delta du Danube, quand soudain le jeune Adi est agressé.
L’enquête commence : que s’est t’il passé, quelle vérité, qui croire ?
La honte des parents est très, voire trop forte. Ils y voient le fait qu’un homme embrassant un autre homme est comme une maladie qu’il faut soigner à tout prix. Pis encore seront les qu’en dira-t-on de l’entourage. Les prières religieuses, Dieu peut-être, ou bien même un exorciste, pourront-ils le sauver ? C’est ce qu’espère la famille dévastée par la honte, par le regard des autres. Voici le traitement d’un sujet sensible toujours d’actualité sur la tolérance : se sauver ou être sauvé, tel est le dilemme...


Une petite île nichée au coeur du Danube, gorgée de soleil et inondée de verdure, sous un ciel bleu azur en plein été. On se croirait au paradis ! Mais à y bien regarder, ce beau décor est parsemé de cadres rigides. D’abord la caméra du réalisateur roumain Emanuel Parvu est souvent fixe, comme posée là et ce sont les acteurs qui vont et viennent à l’intérieur du champ. Cette même caméra ne passe pas les nombreuses portes et fenêtres de la maison des parents d’Adi.
Les barrières sont partout présentes. La végétation luxuriante offre une forte impression sonore et visuelle. Elle forme comme une cage qui ne laisse entrevoir aucun horizon. L’enfermement s’exprime également dans les faux semblants et des non-dits. Le hors champ est omniprésent et les témoignages sont indirects. On a vu, on a dit mais on ne sait rien et surtout on ne veut rien savoir. Tous se trouvent des excuses : l’un est préoccupé par sa retraite, l’autre ne veut pas que ses fils aillent en prison. Quant aux parents d’Adi, ils redoutent par-dessus tout le scandale et la honte.
Le film dénonce la société roumaine qui rejette toujours l’homosexualité et se voile la face devant le désir impérieux de liberté de sa jeunesse. Le titre du film, Trois Kilomètres jusqu’à la Fin du Monde, est aussi long que le tunnel d’herbes hautes qu’Adi doit parcourir en barque avant de retrouver l’horizon et la lumière.


Dès la deuxième séquence de ce film poignant de Emanuel Parvu, deux jeunes hommes dont Adi se retrouvent hors champ comme pour signifier déjà leur exclusion. Cette société étroite aux principes obsolètes considère l’homosexualité comme un péché. Pour en protéger certains, il faut disculper les auteurs de l’agression de Adi et même corrompre la police. Adi est considéré comme "malade" par ses parents qui le séquestrent et usent de sévices à son égard jusqu’à le faire exorciser.
Les mentalités rétrogrades s’enferment dans le "presque huis clos" de ce village roumain replié sur lui-même : dans un cadrage subtil, un poteau sépare en deux une pièce de la maison où se trouvent la mère et le fils qui ne se comprennent plus et ne sont plus du même monde.
Mais le bruit du vent dans les feuillages, le clapotis de l’eau et la beauté de la nature autour du delta de ce large Danube, consolent de tant d’injustice, d’exclusion et d’intolérance.


Emanuel Parvu nous livre un scénario sans répit, démarrant sur une enquête d’abord rassurante après le tabassage du jeune Adi … Mais la sagesse du chef de police est vite perturbée par l’influence d’un notable local. Les faits sont réinterprétés, les rebondissements s’enchainent, effarants, et l’intérêt bien compris de tous risque de l’emporter sur la vérité.

C’est un drame à peine crédible. L’homosexualité peut-elle encore faire pareil scandale de nos jours ? Des parents, dans une famille apaisée peuvent-ils réagir aussi violemment ? Il semble bien que oui, hélas, au moins dans un village roumain isolé sur une ile. Le jeune Adi bénéficie de l’ouverture d’esprit qu’offre ses études en ville, le conflit de génération est inévitable. Aura-t-il une autre issue que de fuir ?

La réalisation est brillante, servie par une caméra lumineuse, des beaux plans fixes et plusieurs très bons acteurs.

Prenant un peu de recul, le fait divers d’homophobie n’est ici qu’un prétexte pour parler plus largement de l’enfermement des mentalités, des violences qui peuvent se cacher derrière les murs, de la corruption. La charge contre les collusions locales, les repères moraux d’un autre temps et les déviances religieuses est puissante. On pourra aussi penser ici au cinéma de Cristian Mungiu.
Le propos est troublant et ne fera pas consensus, voilà un bon film pour ciné-débat !